certains se sont endormis. d'autres se baladent encore. compréhensible après une journée pareille. qu'on soit exténués ou qu'on ne trouve pas le sommeil. l'un ou l'autre, et puis peu importe au fond, les gens vivent leur vie, et lui, il saura bien vivre la sienne. la maison est trop grande. du genre ou il est impossible d'avoir chaque porte à l’œil. mais que pourrait-il se passer sous l’œil des caméras après tout ? pas d'angoisse à se faire. du moins pour toute personne normalement constituée. il se ronge toujours les ongles. c'est peut-être idiot, ce n'est peut-être pas beau, mais ce n'est pas le genre d'habitude dont on se défait. et il ne veut déranger personne au fond. il ne dormira pas beaucoup cette nuit, c'est certain. mais après tout, il ne dort pas beaucoup majorité des nuits, en attestent les cernes sous ses yeux. quoique. on ne les voit pas trop, sous les couches de fond de teint argileuses auxquelles ils ont tous eu droit avant de passer sur le plateau. d'éclater ses ballons. et juste y penser pourrait le faire trembler. mais se débarrasser des artifices serait une idée intéressante après tout. même pour lire, même pour se questionner sur son existence, même pour ne rien faire, c'est tout sauf confortable. une porte, et puis une autre, et très honnêtement, c'aurait été plus intéressant de fournir cette maison avec un plan pour tout le monde. puis une salle de bain finalement, avant qu'il ne se résolve à se laver le visage dans la cuisine en bas. déjà occupée. il lui faut un moment de plus pour prendre une grande respiration, peser le pour et le contre, et entrer, sans un mot. pas parce que c'est normal de ne rien dire, plutôt parce qu'il ne saurait trop quoi dire. il aurait été normal de parler là, mais pour dire quoi, face au miroir, face à cette fille qui veut probablement juste terminer ce qu'elle a commencé pour aller dormir. il n'aura pas retenu de prénoms parmi la pléthore inscrits sur ces ballons, mais après tout, vu son état au moment de les exploser, c'est tout sauf étonnant. mais heureusement, elle parle avant lui, et il lève un œil pour la voir sans vraiment la regarder, dans le miroir, alors que l'eau coule dans ses mains, étouffant presque le bruit de sa voix. « markus, en fait.» sur son visage, enfin. c'était nécessaire. mais au fond, pas vraiment efficace. c'est qu'il n'est pas habitué à ces choses-là, après tout. l'eau est tout ce dont on a besoin pour nettoyer le sang qui aurait coulé d'un nez, de la terre sur ses mains. frotter assez pour se faire mal, à la limite. ce sera peut-être nécessaire là aussi, qu'il se dit, le nez froncé. « marius c'est-uh, français déjà. les misérables.» il ne doute pas quand il parle, cette hésitation dans sa voix a plus a voir avec l'idée de parler qu'avec ce qu'il débite. l'idée qu'il puisse être vu, sans être oublié. et ses joues se teintent un peu, sous les couches de maquillage. de l'eau, encore. il ne veut assister à rien du tout au fond, juste se débarbouiller. se débarrasser de tout ça. et il boirait presque la tasse, à tenter de répondre avant de s'être redressé. « je-uh, je regarde pas, t'inquiètes pas-je veux dire-je... je voulais pas déranger.» ses mains s'agitent, trop bas pour que les signes soient compréhensibles. trempées, surtout. et même face au miroir, il ne lève pas les yeux, absolument désolé.

Markus. Oups. Tu t’es trompée. Une lettre que tu as métamorphosée au profit d’une autre, peut-être pense t’il que ta langue a gentiment fourché. Tu ne sais pas trop quoi en penser. Puis, c’est un faux pas qui ne te dérange pas tant que ça, faut dire que c’était votre première rencontre ce qui d’après toi permettait d’accepter les petites erreurs, les petites ratures que l’on pouvait placer ici et là sans trop sans s’inquiéter. C’est l’évolution de ses quelques traits un peu hésitants, trop peu appuyés qui traceront le schéma de votre relation future. Hachés, tranchés, barrés ou plutôt colorés, alignés, agencés. Aucune idée. À moins que le tout reste gris, des esquisses jamais finis, des connaissances qui se croisent, relation neutre, même pas bancale tout juste banale. Tu ne sais pas, tu verras. Vous verrez. Mais Noora, tu t’es trompée de prénom, tu pars du mauvais pied. ((EST-CE QU’ON POURRAIT TOUT RECOMMENCER ? )).

“Pardon” que tu ne peux t’empêcher d’exprimer. Pure politesse. Maudite maladresse. Tu retournes à ta tâche principale, c’est-à-dire enlever ce qui s’ôte plus ou moins bien comme l’autre candidat qui s’agite avec son eau à côté de toi. Faut dégager les pores un peu trop obstrués par ces couches trop savamment appliquées. Noora, t’étouffes un peu, mais t’as l’habitude maintenant. Il fallait bien dissimuler les quelques défauts, les quelques impuretés qui logent sur ton faciès. Les cacher le matin pour mieux les révéler le soir. ((Foutu miroir.))

Le garçon ne fait pas vraiment attention à toi, pas trop attention à tout ça que tu penses même. Tu ne saurais pas pour autant dire s'il essaye d’éviter le dialogue ou ton visage, si c’est toi qui le mets mal à l’aise ou s’il est l’un de ces personnages qui ont l’habitude de garder leurs mots pour eux. Tu ne saurais dire parce qu’il te parle. ((te parle sans trop savoir quoi dire peut-être )).

“Un lecteur” ça t’échappe dans un soupir, que maintenant, ce Marius ((devenu Markus)) il sent les livres. Il y a sûrement pas beaucoup de gens de votre âge (( car oui, pour toi, il a environs ton âge)) qui iraient se frotter à de la littérature étrangère et encore moins à du Victor Hugo. ((tu faisais pas parti de ces gens, tu connaissais juste un peu, de nom sans doute)).

Mignon, un mot que tu gardes pour toi cette fois, mot qui décrit la nouvelle impression qu’il impose à ton regard alors qu’il dit qu’il ne te regarde pas. ((puis de toute façon qui voudrait bien te regarder Noora)).
“Tu ne déranges pas t’inquiètes". du moins à peine. Sa compagnie semble trop légère pour qu’il t’exaspère. T’essuies une nouvelle fois ton visage, bien heureuse de voir que le tout commence sérieusement à s’en aller. De l’autre côté, il y a le jeune homme qui se noie ((littéralement)) le visage sous l’eau et t’avoues que tu ne sais pas si tu devrais l’aider. Lui dire qu’avec juste de l’eau ça ne sera sûrement pas aisé. “Pardon…” ((encore)) “mais je crois que leur maquillage est waterproof” que tu ajoutes enfin les lèvres pincées, un peu navrée pour vous. ((t’avais rouvert la bouche)). Ils n’avaient sûrement pas voulu que vos belles gueules dégoulinent et fondent comme neige au soleil sous les projecteurs puis même, l'eau comme démaquillant ce n'était pas top Markus. “Tiens, ça sera plus facile avec ça” Tu lui tends un paquet de lingettes démaquillantes qui devrait venir à bout du tout, ça l’avait bien fait pour toi, même si t’avais rajouté un baume spécial et qu’il te manquait encore à passer ton eau micellaire sans oublier qu’il faudrait ensuite hydrater ta peau. Bref, t’avais pas vraiment fini, mais pour continuer faudrait qu’il prenne le paquet que tu tends gentiment en l’air. Sourire sur tes lèvres devenues vierges.

c'est qu'il tourne au cramoisi à l'idée de gêner. ce n'est jamais un objectif, et puis, il en connait les conséquences, parfois. d'être dans le passage, de dire un mot de travers, et de devoir disparaître, d'une façon ou d'une autre. face au miroir, là, il voudrait disparaître. un peu, beaucoup, ne plus voir ce reflet ou quoi que ce soit du même genre. il y a des fois ou il doute de son existence, plus trop, mais il y en a eu. quand on ne parle à personne pendant dix jours. quand on se convainc de ne pas faire de bruit, de s'oublier un peu, aussi. face à un miroir cela dit, ce n'est pas possible. on est juste là, bien vivant, condamné à se regarder dans le blanc des yeux. à reconnaître que quoi qu'il en soit, on est là. et son nom, au fond, n'a que peu d'importance. son nom, plus qu'un son, c'est la lune qui explose. qui devient peut-être autre chose. son nom est un geste, pas une lettre mal placée. son nom est ailleurs, son nom c'est celui qui a de l'importance, pas parce qu'il le désigne, mais parce qu'il lui a été donné par quelqu'un de bien. quelqu'un qu'il a perdu. quelqu'un qu'il revoit dans le blanc de ses yeux, à regarder le fond de son reflet. il s'y perds peut-être un peu, juste assez longtemps pour qu'elle continue de parler, de soupirer, de vivre. juste une seconde ou il ne la voit plus. un instant comme on en fait peu, ou il ne baisse pas la garde, mais n'en a simplement pas.

il se reprends cela dit. secoue la tête une seconde. de l'eau, encore. même si ce n'est pas très efficace. il ne dérange pas, apparemment. heureusement. mais elle a quand même quelque chose a ajouter devant son air benêt et son visage qui se noie sans que les couches ne décarrent. il hausse les sourcils une seconde, sans vraiment trop comprendre, avant de se repasser les mots. « oh. » et de prendre le paquet qu'elle lui tends. ou plutôt une lingette dedans. « merci. c'est - uh - c'est gentil.» de partager. son expertise, ses conseils. c'est qu'il ne se maquille pas vraiment souvent, et par défaut, ne se démaquille pas non plus vraiment. le sourire lui manque, parce que c'est insolent, mais la gratitude est quelque part dans ses yeux, parfaitement lisible. parfaitement honnête. « je-j'y connais rien.» l'accent est lourd, et, très vite, le visage plus léger. moins plâtré. les cernes démasquées, bleutées.