Dihya est de ceux qui se lèvent tôt. Certains disent que le monde appartient à ceux qui se lèvent, il parait que le monde fonctionne ainsi. Elle n’a pourtant jamais eu la prétention d’affirmer qu’un monde lui appartenait. Loin de son appartement et de la tranquillité de son antre, elle ne change pas ses habitudes matinales ; elle n’a pas décidé de modifier son train de vie pour une aventure, pour des caméras qui pourraient capturer des parcelles de sa peau dénudée. Après s’être réveillée, elle revêt un gilet au-dessus de son débardeur gris. Dans sa tenue de nuit – un débardeur et un boxer -, elle prend la direction de la cuisine. Elle dévale les escaliers un à un. Elle tente de marcher prudemment, sans faire trop de bruit – du moins, elle l’espère. Elle se dit que si c’est le cas, elle aurait déjà aperçu quelques têtes sortir de leur chambre pour le lui faire remarquer. Elle marche à pas de loup. Une fois arrivée à la cuisine, elle avance vers le plan de travail. Elle le détaille quelques instants, regardant autour d’elle ce qui compose la pièce. Elle note qu’elle ne pourra pas confectionner ses jus. Elle hausse les épaules, à cette pensée. Elle fera autrement. Dihya ouvre ensuite le réfrigérateur pour se préparer son repas. Elle s’empare de quelques œufs qu’elle dépose sur le plan de travail, puis elle ouvre les quelques placards à la recherche d’une poêle. Après quelques minutes, elle pousse un soupire bruyant. Sa recherche semble vaine, du moins pour le moment. Autant pour trouver sa photo dans un ballon, elle y parvient au troisième essai ; autant trouver une poêle dans cette cuisine lui semble impossible. Après avoir ouvert tous les placards, elle trouve enfin l’ustensile dont elle a besoin pour faire son petit déjeuner, puis la dépose sur la plaque de cuisson. Elle s’apprête à lancer la cuisson de son omelette de blancs d’œufs. Elle redresse la tête et remarque la venue d’un de ses camarades dans la pièce. Elle lui adresse un sourire et un petit signe de la main, en guise de salutation. Elle ne sait pas s’il prêtera attention à ses gestes à son attention. Elle ne connait pas assez son camarade pour savoir s’il est du genre à être de très mauvaise humeur, le matin, au petit-déjeuner ou le contraire. Elle pose son regard sur le visage du jeune homme, le détaillant, silencieusement, comme elle le fait toujours. Un visage qui lui paraît familier, comme un déjà-vu. Non pas un visage qu’elle aurait fréquenté dans son quotidien, à Santa Clara. Un visage vu quelque part. Un visage vu ailleurs qu’en face à face. Elle se trompe peut-être. Elle agite légèrement la tête, alors qu’elle se perd dans son examen du visage de son camarade. Elle reprend la cuisson de ses œufs.

Je ne suis pas spécialement un lève tôt. Ni un lève tard pour autant. Disons que je peux parfois jouer à la marmotte et traînasser au lit, mais généralement je suis debout vers 9h, même le week-end. Ici, j'ai décidé de me lever, très tôt. Pour la simple et bonne raison que je veux pouvoir prendre ma douche sans personne. Ou avec le moins d'affluence possible.  Ce n'est pas une activité que j'aime faire en public. Avant cela ne m'aurait pas gêné le moins du monde, mais ce n'est plus la même histoire depuis que j'ai une jambe en moins. Heureusement, je n'ai pas été interrompu. Je peux maintenant me rendre dans la cuisine pour prendre mon petit déjeuner. J'ai enfilé un short et un tshirt. J'entends des bruits de vaisselle, apparemment, quelqu'un est déjà là, en la personne de @dihya. Je ne la connais pas, je ne lui ai même jamais parlé encore, mais j'ai retenu son prénom. Une candidate sourde, ça attire mon attention. Je ne suis pas le seul à partir avec quelques désavantages dans ce jeu. Mon handicap est plus visuel, immédiatement on remarque la jambe artificielle. Elle ? C'est plus subtil. A première vue comme ça on ne se douterait de rien. Je note sa tenue légère. Se lever au petit matin et tomber sur une candidate canon en petite tenue ? C'est plutôt pas mal pour débuter la journée j'ai envie de dire. Puis elle a de la chance, j'ai bien dormi, ma jambe ne me fait pas souffrir, pour l'instant, de fait, je suis de bonne humeur. Je lui rends son sourire et la salue d'un signe de tête. J'attrape une orange et m'installe sur l'un des tabourets. Je me sens observé. J'ai l'impression qu'elle me passe au scanner.  « Quoi ? J'ai un truc entre les dents, c'est ça ? » que je demande avant lui de montrer mes dents. Avant de tilter.  « Oh non, t'as la tête de celle qui croit m'avoir déjà vu quelque part, mais qui est incapable de dire où, c'est ça ? Cela m'arrive tout le temps. » Je lève mon doigt pour le faire tourner, signifiant « toujours » en langage des signes.  « Attends, un indice. » Je me lève, et me mets de profil, les jambes écartés, et je mime le fait de faire du snowboard. Qui pourrait aussi s'apparenter à faire du surf là. Je relève la tête vers elle.  « Alors ? » Peut être que je suis totalement à côté de la plaque, que je divague, et qu'elle est en train de me prendre pour un fou avec mes mimes.

Dihya profite d’être l’une des premières levées pour investir la cuisine. La pièce est inoccupée à ce moment de la journée. Elle est la première à prendre ses marques autour du plan de travail. Elle commence à se préparer son petit déjeuner quand elle est rejointe par l’un de ses camarades. Elle lui adresse de silencieuses salutations, auxquelles il répond à son tour par un sourire et un signe de tête. Ponctuel et sans un mot. Le regard de la belle métisse se perd quelques instants sur les traits qui se dessinent et se redessinent du visage de ce jeune homme. Elle pousse un léger soupire, alors que son attention se reporte vers sa poêle et son omelette d’œufs qui cuit dans le fond de son ustensile. Elle ne peut s’empêcher de redresser la tête. Elle l’observe, minutieusement. Déjà parce que c’est la seule façon qu’elle a de pouvoir réagir s’il venait de lui adresser une quelconque parole, mais quelque chose lui dit qu’il n’a pas envie d’échanger avec elle. Grand bien lui fasse. Elle ne s’en porte pas mal pour autant. Elle l’observe aussi, parce que ce visage a cette impression de déjà-vu. Elle voit ses lèvres bouger, elle se concentre pour lire les syllabes qui s’articulent. A-t-il un truc entre les dents ? Elle dodeline la tête de gauche à droite, puis de droite à gauche. Il reprend une nouvelle fois la parole. Elle a la tête de celle qui croit l’avoir déjà vu… lit-elle sur ses lèvres. Aussitôt, elle cherche de quoi écrire pour échanger avec lui. Elle tend le bras vers une serviette en papier, et se munit d’un stylo qui se promène sur la table. « rêves, peut-être », qu’elle écrit avec un sourire amusé. Elle redresse la tête, alors qu’il continue de parler, de parler… il parle vite, un peu trop vite pour qu’elle réussisse à lire ce qu’il prononce à son égard. Elle barre alors ces quelques mots manuscrits, sur cette serviette. Elle fronce légèrement les sourcils. Elle arque un sourcil en le voyant mimant je ne sais quel geste ou quelle activité. Elle repense à ce qu’il a essayé de faire avec ses doigts, quelques secondes auparavant. Elle fronce les sourcils, elle ne sait pas trop ce qu’il cherche à lui faire dire ou lui faire comprendre. Elle reporte son attention sur ses œufs, afin d’éviter qu’ils ne terminent carbonisés. Pour un premier repas dans cette villa, ce serait dommage, tout de même. Elle redire la poêle de la plaque de cuisson. Alors qu’elle songe encore aux quelques gestes qu’il a fait pour lui faire trouver quelque chose dans son esprit, elle cherche une assiette. Elle pose l’assiette ensuite sur le plan de travail puis se sert des œufs qu’elle a cuisinés. Puis elle reprend la serviette où elle a écrit trois mots qu’elle a ensuite barrés. « Sotchi, Sage Kotsenburg, Stale Sandbech». Puis elle pousse la serviette vers le jeune homme. Si ces trois mots lui évoquent quelque chose et qu’il les valide, alors elle s’en souvient. Elle dépose la poêle vide dans l’évier, puis elle commence à se préparer une tasse de thé. Elle lance un regard en direction de son camarade, guettant une réponse de sa part. Puis elle se penche de nouveau vers la serviette : « rassure-moi, tu n’as jamais envisagé une carrière de mime », qu’elle écrit. Elle adresse un sourire doux au jeune homme. Un sourire amusé, mais pas moqueur. Sa tasse prête, elle prend place sur un tabouret, en face de son camarade, @Sander.

Elle pense m'avoir déjà vu ? Je la vois prendre une serviette et écrire quelques mots. Rêves peut être. Elle m'aurait vu dans ses rêves ? Quelle petite coquine. Mais je suis bon prince, je décide de lui donner un indice. Et en mimes s'il vous plaît. Je ne suis pas certain que ça lui évoque grand chose au vu de sa tête. D'ailleurs elle se préoccupe plus de ses œufs que de moi. Je finis par me réinstaller sur le tabouret. Peut être me suis je trompé au final. Sauf qu'elle récupère la serviette, pour écrire d'autres mots.  « Sotchi, Sage Kotsenburg, Stale Sandbech». Pour le coup je ne m'attendais pas du tout à lire ça. Je suis choqué par ce que je vois. Je relève la tête et la regarde avec de gros yeux. En mode perplexe. Surpris. Geeeenre elle connait ces deux noms? Mais d'où, comment ? Sage et Stale sont les deux mecs qui ont complété mon podium à Sotchi. C'était même un bon pote dans le temps Stale. On portait tout deux fièrement les couleurs de la Norvège. Bien qu'on ne soit plus vraiment en contacts je suis toujours de loin de ce qu'il fait. Alors oui il arrive régulièrement qu'on me reconnaisse. Mais généralement c'est surtout « t'es le mec qui a gagné une médaille aux JO ! » ou « oui oui un skieur, ou un snowboardeur quelque chose comme ça... ». Plus récemment c'était « ah oui le snowboardeur qui a perdu une jambe ». Mais c'est plus rare qu'on connaisse mon nom complet – enfin surtout à l'étranger – mais alors qu'en plus on me donne les gens qui ont fait le podium avec moi... C'est qu'il faut avoir suivi les JO, et surtout s'intéresser de près à mon sport. Ou alors être doté d'une mémoire exceptionnelle, du genre à se souvenir du moindre détail, même insignifiant pour toi. Autre possibilité, elle se joue de moi, et elle a mené ses petites recherches juste avant. Après tout il suffit d'une connexion internet, et tu as toutes les informations à disposition. Une façon de jauger la concurrence. Je la regarde en silence, continuer de vaquer à ses occupations. J'essaie de savoir si elle se fou de ma gueule ou non. Finalement elle m'écrit de nouveaux mots sur la feuille. Je serais mauvais en mimes ! Je pousse un soupire en mode « pffff ».  « Je suis carrément doué, c'est toi qui ne sait pas reconnaître mon talent. » Non mais je te jure. Bon mais parlons plus sérieusement là. Je repousse la serviette devant elle.  « Médaille d'argent et de bronze à Sotchi oui. Et moi l'or. Je suis impressionné. Comment tu le sais ? Tu as mené ta petite enquête ? » Je plisse les yeux suspicieux. J'ai parlé plus lentement, parce que je me suis rendu compte que cela devait être plus compliqué pour elle de me comprendre avec mon flot de débit habituel.

Dihya repense à ces quelques gestes, à ces quelques mimes qu’il a eus à son attention. Elle reporte son attention sur son repas. Le visage de son camarade n’est plus dans son champ de vision. Quelque chose lui revient alors à l’esprit. Elle écrit quelques noms propres sur la serviette de papier. Sotchi. Sage Kotsenburg, Stale Sandbech. Elle repousse la serviette du revers de la main vers Sander, afin qu’il puisse lire. Elle porte son attention sur le visage de son camarade qui est en train de lire ce qu’elle a inscrit sur la serviette. Un fin rictus étire ses lèvres. Il relève la tête vers elle. Elle peut lire une certaine surprise sur son visage. Comme s’il ne s’attendait pas à une telle réponse de sa part. Son regard croise le sien. Elle reprend la serviette pour griffonner de nouveaux mots dessus, à l’intention de son camarade. Elle lui fait une remarque sur ses prétendus talents de mime. Elle espère qu’il ne se lancera pas dans une telle carrière, qu’elle écrit sur le ton de l’amusement. Elle pousse de nouveau la serviette vers lui pour lui permettre de lire. Ses pupilles se posent de nouveau sur le visage de son camarade. Ce dernier soupire, du moins, c’est ce qu’elle devine en détaillant les traits de son visage se déformer. Puis son attention se reporte sur ses lèvres qui bougent. Un air amusé se peint sur le faciès de la belle métisse, au fur et à mesure de sa lecture labiale et un « Oh » franchit la barrière de ses lèvres, sans même qu’elle ne parvienne à l’entendre. Apparemment, elle ne saurait pas reconnaitre son talent. Sander reprend la parole. Elle se concentre sur cette bouche qui s’articule et qui laisse échapper des sons, des syllabes, des mots qui lui sont inaudibles. Elle hoche la tête, quand il évoque la seconde place de Kotsenburg et la troisième de Sandbech. Un air surpris se peint sur le visage de Dihya, quand il dit être impressionné. Impressionné ? Par quoi ? De quoi ? Par qui ? De qui ? Il lui demande alors comme elle sait ces quelques informations le concernant. Il pense qu’elle a mené l’enquête. Un discret rictus amusé étire le coin de ses lèvres, alors qu’elle reprend le stylo. A-t-elle mené l’enquête ? En quelque sorte, oui, puisqu’elle écrit qu’elle l’a « stalké. Mais tu es le seul, tu devrais te sentir flatté ». Puis elle tend la serviette en direction de son camarade pour lui permettre de lire ces quelques mots. Elle ne perd pas son sourire pour autant, et plante son regard sur le visage de Sander, guettant une réaction de sa part. Elle le regarde avec une certaine insistance. Puis observant sa réaction et lisant sur ses lèvres, elle étire son bras pour réceptionner la serviette. Assez plaisanté. « En vérité, j’ai perdu un pari à cause de toi. », écrit-elle. Puis elle entoure le nom de Kotsenburg, en-dessous duquel elle écrit le chiffre 1, puis elle écrit « toi – 4e ». Ca, c’était le pronostique de Dihya, il y a quatre ans. Elle repousse la serviette pour lui permettre de lire, puis elle hausse les épaules, comme pour signifier qu’elle ne s’en fait plus une formalité. Puis elle reprend la serviette : « au fait, tu n’as pas peur que l’on t’associe à moi ? je veux dire, on est les deux estropiés de la villa ». L’un est privé de l’usage de l’une de ses jambes, l’autre est privé de l’usage de l’un de ses cinq sens. Ils pourraient être facilement associés comme les deux handicapés.

Oui je suis quelque peu choqué de voir ces deux noms couchés sur le papier. C'est tellement précis que s'en est suspect. Pour moi l'explication la plus probable c'est qu'elle a fait quelques recherches. Elle a pu me voir lors des entretiens et me chercher par la suite sur le net. Mais ça serait quand même bizarre de retenir le podium. Sauf si justement ça avait pour but de m'impressionner là, et de me les ressortir toute fière. Elle écrit qu'elle m'a stalké, mais que je suis le seul. Je devrais me sentir flatté. Hm. Je plisse les yeux et l'observe, pour tenter de deviner si elle dit la vérité ou non. Je ne sais pas trop si je dois la croire ou non. J'ai l'impression qu'elle guette aussi ma réaction.  « Tu bluff. » En fait ce n'est pas juste moi mais tous les candidats qu'elle a stalké. Bon trêve de plaisanterie, elle m'avoue toute la vérité. Elle aurait perdu un pari – de ma faute. Elle me voyait quatrième. Quoi ? Qu'entends je ? Ou que vois-je plutôt ? Aucune foi en moi, elle m'aurait mit au pied du podium ? Bon ok, il est vrai que je n'étais pas le favoris de l'épreuve et que ça a été une petite surprise. Mais pas pour moi. Parce que j'avais confiance en mes capacités et je savais que je pouvais le faire. Et puis je ne sortais pas de nul part non plus. J'ai gagné deux fois les X Games.  « Bien fait. C'est ce que tu mérites pour ne pas avoir eu foi en moi. Et t'as dû faire quoi ?» Quelque chose de terrible j'espère.  C'est alors qu'elle me demande si je n'ai pas peur d'être associé à elle. Les deux estropiés de la villa.  « Je crois qu'on aura vu pire que d'être associé à une femme comme toi. » Clairement pas de quoi s'en sentir offusqué. Cela serait plutôt qu'on m'associe à Vitaly qui l'a serait offensent. « On est sûrement ceux à qui ça va demander le plus d'efforts cette aventure mais... Je suis sur que les autres ont peur de nous en vrai. En tout cas ils auraient tort de ne pas nous voir comme de sérieux concurrents. » Nos problématiques ne sont pas les mêmes, il n'en reste pas moins que c'est plus difficile pour nous. Mais le challenge ne me fait pas peur. Et à l'évidence elle non plus.« T'as toujours été sourde ? »

Après avoir glissé la serviette en sa direction, elle guette une réaction de la part de son interlocuteur. Elle l’aurait stalké. Il devrait même se sentir flatté à cet égard, puisqu’il est le seul qu’elle a stalké. D’après lui, elle blufferait. Elle hausse légèrement les épaules, tant dit que ses pupilles se raccrochent à celles de Sander. Par la suite, elle lui révèle avoir parié le podium de l’épreuve de slopestyle, lors des Jeux Olympiques de Sotchi. Si elle a perdu ce pari, c’est en parti à cause du jeune homme puisqu’elle le voyait terminer au pied du podium, à la quatrième place – certains évoqueront, à l’occasion, la fameuse médaille de chocolat –. Elle prend un air faussement offusqué quand celui-là lui dit que c’est bien fait. Bien fait pour elle. D’après lui, c’est ce qu’elle méritait pour ne pas avoir eu foi en toi. Son camarade lui demande alors ce qu’elle a dû faire. Elle reprend la serviette pour y écrire quelques mots dessus. « Argent », inscrit-elle dans un premier. Chacun, dans son groupe d’amis, avait parié une certaine somme d’argents – leurs économies d’étudiants – sur le podium. «Puis porter une robe Minion pour le bal de promo de mon meilleur ami », gribouille-t-elle enfin. Elle repousse, une nouvelle fois, la serviette vers son camarade pour lui permettre de lire ce qu’elle vient de répondre à sa question, au sujet de la nature de son pari. Par la suite, Dihya se permet de lui demander s’il ne craint pas de se retrouver associé à elle. Après tout, à eux deux, ils forment ce binôme d’handicapés, ce duo d’estropiés. Elle concentre son attention sur les lèvres de Sander qui lui répond. On aura vu comme association, selon lui. Elle hoche la tête quand il lui fait remarquer qu’ils sont ceux à qui ça va demander le plus d’efforts. Ils partent chacun avec un désavantage, par rapport aux autres candidats. Sander lui confie être sûr que les autres ont peur d’eux. Un fin sourire se dessine sur ses lèvres, alors qu’elle continue de lire sur ses lèvres. Elle hoche la tête, pour approuver ses dires. « Enfin, je ne suis pas certaine que l’on ne m’est remarqué, pour le moment… Je veux dire, je ne suis pas très bruyante contrairement à d’autres filles », qu’elle glisse sur la serviette, alors qu’un air amusé se peint sur son visage. Elle n’est pas certaine que, depuis la veille, ses camarades ont fait attention à elle. Certes, la seule chose qu’elle est faite de remarquable jusqu’à présent est qu’elle a été la première à découvrir sa photo dans un ballon, lors de la première cérémonie du panel, hier soir. « Mais toi, c’est certain que tu n’as pas dû passer inaperçu ». Elle hoche la tête de haut en bas, quand il lui demande si elle a toujours été sourde. « J’ai été diagnostiqué sourde profonde à 14 mois. Ce qui signifie que j’ai une perte de l’ouïe de plus de 90 dB – 100 dB pour mon cas, ce qui équivaut au bruit du marteau piqueur ou d’un concert de musique rock pour te faire une idée », écrit-elle, en tendant la serviette vers Sander. Puis elle attrape sa fourchette, pour commencer son petit déjeuner. Elle redresse la tête en direction du jeune homme. Elle détaille les traits de son visage, restant silencieuse. Elle prend une bouchée de son omelette d’œufs. Tout en dégustant, elle se saisit d’une nouvelle serviette pour écrire dessus. «Tu pourrais me décrire le son de ta voix ? » Est-elle grave ou non ? Suave ? Elle a besoin de qualificatifs pour l’imaginer dans son esprit.

Qu'a t'elle parié ? J'espère qu'elle a dû faire quelque chose de bien honteux pour la peine. Cela lui apprendra à parier contre moi. Mais non, elle a juste perdu de l'argent. Pfff. Même pas drôle. Ah non attendez, elle écrit autre chose sur le papier. Une robe minion au bal de promo ? Je ne peux m'empêcher de sourire.  « Trop la classe ! Je veux voir la photo ! Cela doit être collector. » Ridicule à souhait surtout. Bon ça va, déjà c'était pas pour son propre bal de promo, juste selon de son BFF. Puis je suis certain que dans tous les cas elle devait rester canon. Elle évoque ensuite le fait qu'on puisse être associés ensemble de par notre handicap. Il est clair que nous partons avec un désavantage certain, et que tout va nous demander un effort supplémentaire par rapport aux autres. M'enfin c'est la vie en général qui nous demande plus d'efforts. Je pense qu'on doit être des concurrents qui font peurs. Et si ce n'est pas le cas et bien...ils auraient tort de nous sous-estimer. La demoiselle ne semble pas partager mon avis. Surtout la concernant. Selon elle, on ne l'aurait pas remarqué.  « Arrêtes, t'es aussi discrète qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. » Oui bien sur c'est la fille la plus bruyante que j'ai jamais rencontré.  « Non mais en vrai, je peux t'assurer que t'es pas passée inaperçue. Tu t'es regardée dans une glace récemment ? Ou alors en plus d'être sourde t'es aveugle aussi c'est ça ? » Cela serait un combo terrible.  « Je peux te dire qu'avec un physique comme le tien, t'as dû marquer les esprits. Toutes les nanas doivent te jalouser, y'a de quoi complexer à tes côtés. » Même moi j'aurais limite envie de complexer sur ma taille, alors que pourtant je frôle le mètre 80.  « Quant aux mecs...Et bien...On est des mecs. » Cela se passe de commentaires. T'inquiètes pas que tout homme normalement constitué l'a repéré la Dihya. Oh oui. D'autant plus si elle se balade en petite tenue comme à l'heure actuelle. Depuis qu'elle est là, il m'est déjà passé bon nombre de pensées impures à l'esprit – heureusement qu'elle n'est pas dans ma tête. Je l'interroge alors sur sa surdité, cherchant à savoir si c'est de naissance ou si c'est arrivé plus récemment. Je ne sais pas ce qui est le pire. Perdre l'ouïe après avoir entendu, ou alors avoir toujours été comme ça ? J'aurais tendance à dire la seconde option. En tout cas apparemment, c'est depuis toujours. Vu la comparaison qu'elle fait, c'est en effet beaucoup. C'est alors qu'elle me demande une chose surprenante. Que je lui décrive le son de ma voix ? Euh j'ai jamais fais ça. Je me gratte la barbe quelques instants en mode réflexion.  « J'sais pas elle est...normale ? J'ai pas une voix spécialement grave, ni fluette non plus. Si je devais faire du lyrique, je dirais que je suis un baryton. » Probablement.  Mais si t'as toujours été sourde, comment tu peux te l'imaginer ? »

Concernant ce pari qu’elle a perdu, quelques années plus tôt, elle doit reconnaître que celui-là a marqué ses esprits. Non seulement parce qu’elle avait perdu une certaine somme d’argent, une grande majorité de ses économies, mais parce qu’elle avait dû se rendre au bal de promo de son meilleur ami revêtu dans une robe qui n’était pas passée inaperçue : une robe minion. Elle plisse légèrement les yeux, quand elle lit les quelques mots articulés par son camarade. Trop classe, d’après lui. Elle peine à lire une once de sincérité dans ses paroles. Il exige même voir la photo. Aussitôt elle reprend la serviette : « je ne pense pas que tu mérites la voir… », écrit-elle. Un fin rictus embrasse ses lèvres, alors qu’elle pousse la serviette manuscrite vers Sander. Elle n’est franchement pas certaine qu’il mérite de voir un cliché de sa tenue et encore moins d’elle portant cette robe. Du moins, pas pour le moment. Quant à l’association qui pourrait être faite par certains, elle ne semble pas le déranger. D’après lui, ils devraient même les considérer comme des concurrents sérieux et qu’ils devraient redouter. Elle n’a aucun doute quant aux capacités de son camarade d’impressionner les autres habitants de cette villa. Toutefois, elle doute que les autres se soient attardées sur elle. Ils ne l’ont sûrement pas remarquée ou l’ont déjà oubliée – comme ses camarades de chambrée, pense-t-elle –. Elle arque un léger sourcil, en lisant les lèvres du beau brun. Ce dernier se corrige. Selon lui, elle n’est pas passée inaperçue. Il lui assure. Sa bouche s’entrouvre, pour former un « o », lorsqu’il lui demande si elle s’est regardée dans une glace. Ses airs du visage se durcissant, quand il laisse entendre qu’elle serait sourde. Il se reprend et les airs de la belle métisse se détendent, au fur et à mesure qu’elle lit les syllabes sur les lèvres de Sander. Elle a dû marquer les esprits avec un esprit comme le sien, et toutes les filles doivent la jalouser. « Tu penses vraiment ? ». Elle l’ignore. Tout comme elle ignore ce que la grande majorité de ses camarades pense d’elle. Certains devant penser que le panel ne l’a retenue que pour sa différence. Puis Sander ajoute l’avis des hommes… enfin il reste assez évasif à cet égard. Il se contente de dire qu’ils sont des hommes. Elle lui adresse une moue. « Donc, toi, tu me trouves… belle ? », qu’elle écrit sur cette serviette, à l’attention du jeune homme. Son regard vient croiser le sien, tandis qu’elle détaille les traits de son visage qui s’esquissent sous son regard attentif. Ils viennent ensuite à évoquer sa différence. Ce que l’on nomme le handicap. Elle a été diagnostiquée très jeune. Elle n’a jamais entendu le son de la voix de sa mère qui lui chantait une berceuse, les premiers mois de sa vie, elle n’a jamais entendu les mots consolants de son père pour apaiser ses sanglots de petit enfant dans ses langes, ni les premiers mots de son jeune frère, ni même sa propre voix. Elle vient l’interroger sur sa voix, sur le son de sa voix. Il la décrit comme normale. Il évoque du lyrique, il aurait une voix baryton. « Avec les quelques repères que j’ai : les vibrations que je connais en fonction de certains sons, de certains bruits et que je ressens. En fonction des timbres, des intensités, je ressens des vibrations différentes. », qu’elle tente de lui expliquer. « Tu devrais essayer, un jour », griffonne-t-elle en lui tendant la serviette et le défiant du regard par la même. Essayer de passer une journée sans avoir la possibilité d’entendre, de reconnaitre malgré tout certaines vibrations, certaines sensations. Dihya prend sa fourchette pour déguster une bouchée de son repas. Elle reste quelques secondes silencieuse, avant de se munir une nouvelle fois d’une serviette. « Tu as vraiment arrêté ? ». Le snowboard, la compétition. Est-ce qu’il a vraiment tiré un trait définitif dessus ? Elle pose un regard intéressé sur son interlocuteur.

La demoiselle semble douter de la véracité de mes propos. Quoi, elle pense que je dis ça seulement pour lui faire plaisir ? Elle nous jouerait pas la fausse modeste ? Je vois mal comment elle ne pourrait pas avoir conscience de son potentiel séduction. A moins qu'elle ne soit restée cloîtrée chez elle durant toutes ces années et qu'elle n'a pu se rendre compte de l'effet qu'elle produit sur les autres.  « Non seulement je le pense, mais j'en suis sur. » Je n'ai aucuns doutes là dessus. Voilà qu'elle me demande...  « Si je te trouve belle ? C'est un euphémisme. » Belle serait le moindre des mots pour la qualifier. J'en aurais tout plein, des mignons comme des moins mignons.  « Magnifique. Canon. Séduisante. Bonne. Bandante. » Voilà elle a le droit à toute la panoplie, cela ne me gêne pas de le dire. Bon les deux derniers adjectifs, parfois les femmes le prennent mal, alors qu'à mon sens ce sont des compliments. J'aurais pu m'arrêter aux trois premiers c'est vrai, mais ça ne serait pas moi sinon. Elle m'interroge ensuite sur le son de ma voix. Je l'oriente, mais n'ayant jamais entendu de sa vie, est bien utile ? Elle se repère en fonction des vibrations. Je devrais essayer un jour selon elle. Serais-je un air de défi que je sentirais dans son regard ?  « Un jour dans la peau de Dihya. » que je réplique amusé.  « Ma foi, je devrais peut être. Je te proposerais bien de te mettre à ma place, mais il faudrait que tu te coupes une jambe pour l'exercice. Et ça serait dommage, surtout avec des jambes comme les tiennes. » que je rajoute blagueur. Autant devenir sourd le temps d'une journée, c'est possible, autant devenir unijambiste, c'est plus compliqué. Puis elle écrit de nouveau mots sur son papier. Si j'ai vraiment arrêté ? Bonne question.  « Oui. J'ai essayé de m'y remettre...Au snow tout du moins. » Oui parce que ma spécialité c'est les figures acrobatiques, et ça clairement, avec une jambe en moins, ce n'est plus possible. La pression que ça demande à la retombée du saut sur les jambes est juste bien trop forte pour qu'une prothèse puisse le supporter. En revanche, refaire du snowboard, avec beaucoup – beaucoup – d’entraînements et de motivation, c'est possible.  « On a essayé de me pousser à reprendre la compétition, à me fixer comme objectif les jeux paralympiques... Mais je ne peux pas. Quand t'as été au top, et que tu te retrouves diminué, à ne plus pouvoir t'exprimer comme tu veux... C'est trop douloureux. » C'est juste au dessus de mes forces.  « Peut être qu'un jour je reprendrais du plaisir à surfer, mais pour l'instant, c'est trop tôt. » Je ne fais pas une croix définitive sur ce sport que j'aime tant, mais pour l'heure je ne me sens pas capable de rechausser. Quant à la compétition, clairement, c'est fini pour moi. Vu mon âge, je ne pense pas que dans quelques années, je pourrais rivaliser avec les meilleurs. Et puis ce n'est plus la même appréhension de la glisse, j'ai besoin de tout réapprendre.  « Je dois me trouver une nouvelle voie. Je suis là pour ça. »