la pièce, la maison a quelque chose d’impressionnant, un peu. gigantesque, de la cave au grenier, et du genre qui respire le luxe. qui respire autre chose aussi. cette idée que rien n'est vrai. c'est un décor après tout, un décor ou ils vivent tous, mais un ou ils sont épiés. et au fond, il n'est pas vraiment aisé de dormir en se disant cela. certains y arrivent, peut-être. il ne saurait dire combien. mais le bruit ne filtre pas entre les pièces et leurs hauts plafonds. et tout est calme au matin. tout fut calme la nuit, aussi. majoritairement, du moins. il n'a pas vraiment dormi, lui. somnolé, peut-être, vaguement sur son matelas, mais dans un endroit nouveau surtout, il faut rester sur ses gardes. et de toute façon, ses cernes en témoignent jour après jour, il dort rarement beaucoup. et il ne voudrait réveiller, embêter personne. mais il y a bien quelque chose dans cette maison qui pourrait le pousser à ne pas se fondre contre un mur, au moins tant que la pièce est vide, tant que la maison dort. et l'écho se fait entendre dans la pièce vide quand il appuie sur une des touches du clavier, debout, en face, la capuche de son sweat enfoncée sur sa tête, retombant presque sur son visage. un frisson, un moment, un instant, qui passe, et s'envole. la pièce est grande, et les portes fermées, à moins d'être peut-être dans le hall ou une autre pièce attenante, on entends rien. alors, même si certains dorment encore dans les étages, peut-être la majorité après leur nuit mouvementée, il prends place, pour personne d'autre que pour lui. les notes résonnent contre le béton, les fenêtres peut-être, mais ne s'en vont pas bien loin, pas plus loin que la cuisine, la salle à manger peut-être. il s'en soucie un instant, puis oublie. il a bien vérifié, avant, qu'on ne l'entendrait pas d'ici, à moins d'avoir l'oreille fine, à moins de déjà s'être aventuré pas bien loin.

Tu n’avais quasiment pas dormi de la nuit trop excitée par le prime mais surtout, trop occupée à papoter avec Keven avec qui le courant passait très bien depuis votre rencontre dans les castings. Ça avait quelque chose de rassurant d’avoir quelqu’un à qui se raccrocher dès les premiers instants dans l’aventure. Tu n’avais évidemment pas besoin de lui pour rester toi-même mais te savoir soutenue, voilà de quoi gonfler un peu davantage encore ton assurance.
Si tu avais cru te lever tard pour rattraper quelques heures de sommeil, quelle ne fut pas ta surprise de voir ta montre indiquer sept heures. La plupart de tes colocataires dormaient encore alors aussi discrète qu’un chat, tu te glissais hors de tes draps, veillant à ne pas trop tirer sur la couverture et réveiller Dihya. T’avais lu qu’avec un sens ou deux en moins, les autres se développaient de manière supersonique, raison de plus de faire doublement attention.
C’est donc tout juste vêtue d’un petit short et d’un haut en dentelle noire que tu descendis jusqu’au rez-de-chaussée. Vu l’heure, tu doutais tomber sur quique ce soit et tu te réjouissais d’avoir la maison un peu pour toi. Pas parce que tu cherchais la solitude mais parce que tu avais besoin d’apprivoiser ce nouvel environnement, te l’approprier un peu aussi peut-être.
Des notes de musiques s’élevèrent pourtant à mesure que tu descendais les marches et un peu surprise, tu allais voir de qui il s’agissait, tombant sur…c’est quoi son nom déjà ? Le mec des livres ? « Tu peux pas regarder les dessins-animés le matin, comme tout le monde ? » demandais-tu soudain, les bras croisés sur le pas de la porte.

TENUE

sous les notes sont étouffées le mépris, les sanglots, la perte, cette idée qu'il est complètement perdu ici, les émotions trop fortes, et les bruits de pas sur le tapis, dans les escaliers. c'est que son propre esprit est étouffé là, qu'il ne pourrait être plus concentré sur autre chose que sur les touches. quand il joue, surtout au clavier, il ne prête plus attention au monde, et il arrive enfin à calmer cette tempête au creux de ses neurones. les mots, les sons, les signes, les réflexions, la philosophie, les livres, tout est comme enterré sous ses efforts pour produire quelque chose de logique. mieux, d'harmonieux. c'est qu'il ne faut pas penser pour reproduire, même ses souvenirs, et juste poser, au bout de ses doigts, quelque chose de beau. combinaison étrange de gestes et de sons, car sur un instruments, les premiers produisent les seconds. c'est tout simple, et c'est là que tout réside. et pour une fois, juste un instant, le temps d'une mélodie, il baisse sa garde. au moins un peu. juste assez longtemps pour se perdre, pour produire un bruit sourd, surpris, quand une voix retentit, comme pour perturber ce moment. la surprise est réelle, il ne l'aurait pas entendue arriver. et s'il lève la tête par réflexe, elle est baissée aussi vite. par respect, et comme un bouquet d'excuses, aussi. « je-uh-désolé. » il n'aurait imaginé réveiller personne, quand il a vérifié que le son ne passerait pas l'étage. il a fait de son mieux. et même si elle était déjà debout, il ne saurait quoi dire. ne voulait pas troubler sa matinée, au fond, ou son réveil. peut-être que certains n'aiment pas la musique au matin. et sans pousser une autre touche, il tire sur la manche de son sweat, parce qu'il n'y a pas vraiment d'autre possibilité. parce qu'il n'oserait pas lever les yeux pour la regarder.

Tu ne t’attendais pas à trouver quelqu’un au piano dès le matin, c’était pour le moins surprenant dans ce contexte mais c’était plutôt cool à la réflexion. Toi tu n’avais jamais été douée pour ça, tu n’avais pas l’oreille musicale et surtout, tu étais incapable de la moindre musicalité. Les seules fois où tu semblais savoir chanter, c’était sur Musical.ly.
Surpris de ton intervention, le jeune homme leva furtivement de la tête avant de la baisser aussi vite. C’était quoi son problème ? Ta vue lui brûlait la rétine ? Ok t’étais jolie mais tu n’étais quand même pas le soleil, hein ? Pourquoi est-ce qu’il s’excusait d’ailleurs ? ça t’agaçait ces gens soumis à ce point, tu avais juste envie de les secouer comme des pruniers pour les réveiller mais tu ne le ferais pas, tu ne voulais pas être accusée de maltraitance sur autrui dès le premier jour ! « Détend toi j’vais pas te manger ! » fis-tu en haussant des épaules et t’avancer dans la pièce pour aller t’assoir sur le bord du canapé, le bord le plus proche du piano évidemment. « Tu sais que tu es en train de participer à ANTM ? je veux dire, c’est une compétition pour devenir mannequin. T’as quand même conscience qu’ici ou après, si tu te comportes comme une victime, les autres ils vont te bully jusqu’à ce que tu lâches l’affaire ? » commençais-tu en le regardant même si ce dernier te tournait encore dos, sans doute en train de priser jusqu’à ce que tu disparaisses et le laisse vivre sa petite vie. Tes propos étaient durs mais étaient-ils réellement méchants pour autant ? A tes yeux, tu n’étais pas une mauvaise personne mais sans doute qu’Hitler pensait œuvrer pour le bien lui aussi. « J’dis ça pour toi, hein… D'ailleurs, c'est quoi ton prénom déjà ? »

@Markus

les phrases sont hautes, assurées, et comme une lumière, elle pourrait aveugler n'importe qui d'un sourire. les jeter à terre d'un mot, peut-être. le genre de personne qui est partout à sa place, sans discussion, parce que partout se plie à chacun de ses désirs. l'assurance fait tout, c'est dans une façon de se tenir, de tenir sa langue, ou de ne rien tenir du tout. de ne douter de rien, en rien, et surtout, de ne pas douter de soi. ce genre de personne intimide toujours, parce qu'elles prennent de la place, même si pas grandes, même sans fioritures. même en pyjama. et elle s'approche, continue, pendant qu'il se perd dans la contemplation des touches face à lui. noir, blanc, comme beaucoup de choses ici, structurées, à leur place, parfaitement. et peut-être que ce piano avait la sienne avant qu'il y touche, peut-être était-il simplement un élément de décor sur lequel il n'aurait pas dû poser les doigts. il s'attendrait presque à ce que de la caméra tombe sur ses phalanges abîmées un morceau de bois fin, cane dont l'utilité spécifique et unique est la punition. tout a potentiel à être une faute, il le sait. et elle aussi, visiblement. même s'il n'ouvre pas la bouche, il apparaît en tort, visiblement. apparemment, s'il ne se rend pas visible, il finira victime. comme s'il ne connaissait pas déjà assez bien ce statut, comme s'il ne savait pas justement comment le gérer. comment se rendre invisible pour se faire oublier. peut-être a-t-il oublié la survie pure. peut-être qu'il ne sait plus se rendre invisible, comme autrefois. peut-être a-t-elle raison, au fond. mais il ne connait pas d'autre façon de vivre, au fond, que d'esquiver avec un coup d'avance. les coups, les bleus, le gout salé des larmes, et celui de ferraille des larmes et du sol. sa voix reste basse, ses yeux se lèvent à peine. elle demande une réponse. elle l'a. « markus. » un nom comme un autre, et une note, comme par réflexe. c'est que ses doigts étaient toujours posés sur le piano. c'est qu'ils prennent vie, toujours, sans trop demander leur reste, par signe ou par note. et il ne saurait trop quoi répondre à sa diatribe. cherche ses mots, un peu, sans vraiment se tourner vers elle, en levant le nez juste assez pour ses signes soient aussi lisibles que ses lèvres, d'ou coulent quelques mots de plus. « je ne suis pas... vraiment certain que sa marche comme ça. » c'est qu'un enfant ne se comporte pas par défaut comme une victime. c'est un comportement qu'on lui inculque à la main, au poing, au pied, au cuir, au bois. c'est qu'on apprends à se prendre les coups comme on apprends quand il faut prendre la fuite.


Existait-il plus opposés que vous deux ? Vous étiez tous deux comme le jour et la nuit ! Solaire, tu irradiais chaque pièce où tu te rendais parce que tu étais ainsi, tu avais besoin de tous les regards sur toi, toutes les attentions et pour ça, tu étais prête à n’importe quoi quitte à t’imposer délibérément. @Markus ? S’il pouvait se fondre dans le décor, il le ferait sans doute. C’était plus fort que toi, cette attitude t’exaspérait, tu avais envie de le secouer, de lui faire prendre conscience qu’il marchait juste vers l’opposé : être mannequin, c’était être vu de tous sinon, il n’aurait qu’à devenir modèle pour body painting. Ce n’était pourtant pas de la méchanceté. Tu ne disais pas ça pour le blesser ou le mettre mal à l’aise. Tu avais simplement du mal à accepter qu’on puisse avancer…à une autre allure que toi. Qu’on puisse agir comme si tout ça n’était qu’une vaste épreuve à subir alors que toi, tu t’éclatais littéralement dans cette compétition. « Ah bon ? ça marche comment d’après toi ? » fis-tu, curieuse de découvrir le point de vue de Markus sur l’industrie de la mode, il semblait si…loin de tout ça ! A vrai dire, il semblait avoir été posé là par hasard, pour amuser un créateur de sims s’amusant à placer ses personnages dans la piscine avant d’en retirer les échelles, à qui survivrait le plus longtemps. Qu’on se le dise, tu serais la première à utiliser les autres comme bouée vivante. « J’dis pas ça pour te pousser vers la porte de sortie de l’émission c’est juste, quand je te vois j’ai teeeeellement envie de te secouer ! Profite un peu de tout ça pour lever le nez et regarder le monde qui t’entoure, j’sais pas moi… Vis un peu au lieu de rêver dans ton coin ! » Oui oui, tu y croyais à ce que tu disais, c’était bin connu que du haut de tes dix-huit ans, tu connaissais déjà tout de la vie. Mais une chose de certaine, il n’était pas là par hasard, personne ne l’avais forcé à marcher devant le panel et se présenter comme un futur mannequin, personne ne l’avait obligé à accepter de participer à l’émission alors mince, qu’il s’y intéresse un peu quoi !