Dihya profite de cette fin de semaine pour laver son linge sale. Parmi ce linge, notamment, la robe qu’elle a porté lors de la première cérémonie du panel. Une robe dont elle n’aura peut-être plus l’occasion de porter. Elle ne sait pas. Elle doit reconnaître qu’elle passe la majorité de son temps en jean et surtout en pantalon de sport. Des tenues qui ne sont, selon certains, peu féminines – certains restent aux clichés de la femme devant porter des robes pour être féminine, ils se trompent –. Ainsi sa panière sous le bras, elle se rend au sous-sol pour se rendre au cellier. C’est là que se trouve les machines à laver et les sèches linges. Elle pousse la porte et découvre une camarade qui s’affaire autour de l’une des machines. Dihya lui adresse un sourire et un petit signe de main, en guise de salutation. Elle pose sa panière sur la deuxième machine libre. Elle lance un regard en direction de sa camarade, dont elle ignore le prénom. Elle croit lire sur son visage un certain agacement. Même si elle ne peut pas entendre les sons qui émanent de sa bouche, elle sait lire les traits qui se dessinent sur le visage de ses interlocuteurs. Elle pose délicatement sa main sur son épaule. Elle ne sait pas comment elle va réagir à ce geste – certains peuvent devenir agressifs et se sentent offensés. Puis elle désigne à l’aide du revers de la main la machine, tentant de lui faire comprendre qu’elle peut l’aider. Dihya s’arme finalement de son carnet : « besoin d’aide ? », gribouille-t-elle rapidement sur la page blanche à l’encre noire.

« Merde tiens ! » Maudite machine à laver. A croire qu’elle a décidé de me contrarier ce soir. J’ai peut-être un peu trop attendu avant de me rendre ici, la première semaine est passée à une allure folle et je n’ai tout simplement pas eu le temps de descendre faire une machine. Il a fallu s’habiller en fonction de la météo qui, ma foi, était aussi lunatique que certains candidats de la villa. J’ai enchainé les tenues, de la plus décontractée au simple bikini pour se rendre à la plage. L’heure est aux tâches ménagères et je ne parviens pas à démarrer cette foutue machine. J’ai pourtant étudié chacun des boutons, professeur un jour, professeur toujours. J’ai l’habitude de prendre le temps d’analyser chaque fonction, d’envisager chaque cas de figure avant de me lancer quand je ne connais pas quelque chose. Impossible de parvenir à un résultat satisfaisant ce soir et je dois admettre que l’agacement commence à dépasser le simple cadre de ma pensée. Une autre candidate est arrivée quelques minutes plus tôt, elle a l’air gentille, elle m’a fait signe de la main, j’ai répondu d’un simple sourire agrémenté d’un hochement de tête. J’en perds toute notion de bienséance, bien trop occupée à tout tenter pour faire fonctionner cette machine diabolique. Rien n’y fait. La main de ma camarade se pose sur mon épaule, je relève la tête pour pouvoir la regarder tandis qu’elle me tend un carnet sur lequel elle a griffonné un petit mot. Je lève les yeux dans sa direction, intriguée. « J’aurais définitivement besoin d’aide, je n’arrive pas à la mettre en marche. » J’explique, une moue boudeuse et résiliée attestant de ma galère. « Tu… Tu es muette ? » J’ai l’impression que oui, elle n’aurait pas eu besoin de me proposer son aide en l’écrivant sur un carnet sinon.

En entrant dans la pièce, elle découvre l’une de ses camarades dont le prénom lui échappe encore. Elle ne connait que quelques personnes – celles avec qui elle partage sa chambre et avec qui, jusqu’à présent, elle ne partage que cette pièce, puis quelques autres avec qui elle a pu faire connaissance au cours de la semaine –, dans cette villa. Elle remarque sa camarade s’agacer avec la machine, du moins c’est ce qu’elle croit comprendre. Elle imagine qu’elle doit soupirer fortement, ou lâcher quelques grognements qu’elle tenterait d’étouffer entre ses dents. Elle imagine ; elle n’entend pas. Son attention se porte sur les lèvres de sa camarade qui s’articulent. Elle aurait besoin d’aide, dit-elle. Elle lui explique alors qu’elle ne parvient pas à la mettre en marche. Dihya hoche la tête, comme pour lui signifier qu’elle a bien compris ce qu’elle vient de lui dire et qu’elle accepte de lui venir en aide. Elle se permet de lui faire un geste de la main pour lui demander de se décaler afin qu’elle puisse prendre place devant la machine et notamment devant les boutons. La métisse actionne quelques boutons, change quelques réglages pour que sa camarade ne se retrouve pas avec des habits beaucoup plus petits qu’avant qu’ils n’entrent dans la bouche de cette machine à laver, puis elle appuie sur un dernier bouton qui lance le lavage. Dihya pose sa main sur l’avant-bras de sa camarade pour lui attirer son attention, puis elle lui montre chacun des boutons qu’elle a actionné, précisant à chaque fois à l’aide de ses doigts, le chiffre un, puis deux et trois, pour lui montrer les différentes étapes. Elle termine par lever son pouce en l’air, en lui adressant un sourire. Elle s’apprête à laisser à la jeune femme, pour à son tour s’occuper de son linge qui attend à être à laver, quand sa camarade lui adresse une nouvelle fois la parole. Est-elle muette ? Dihya dodeline hâtivement la tête de droite à gauche, puis de gauche à droite pour lui stipuler qu’elle ne l’est pas. Elle peut parler mais elle ne peut pas entendre ce qu’elle prononce. Il y a quelque chose en elle qui dysfonctionne, qui fonctionne différemment des autres. Puis elle désigne de son doigt son oreille, pour lui faire comprendre qu’elle est « sourde », du moins c’est l’étiquette que la société lui a attribué et que la production, le panel et mêmes ces autres camarades ont dû lui coller. On ne dira jamais que Dihya est une belle femme, mais que Dihya est sourde. « Tu t’appelles comment au fait ? », écrit-elle sur son carnet, «je suis Dihya ». Puis elle tend le carnet en direction de sa camarade.

Je ne pensais pas en avoir pour très longtemps. Juste le temps nécessaire pour laver mes vêtements et pouvoir ensuite les mettre à sécher. Chez moi, j’en aurais profité pour enchainer sur la préparation d’une nouvelle séquence, sur la correction de quelques copies ou sur une bonne séance de ménage histoire d’être doublement efficace pendant que la machine à laver se chargeait de faire opérer la magie. Ici, j’ignore comment pourraient réagir les candidats en trouvant des vêtements laissés à l’abandon cinq minutes dans une machine, je n’ai pas encore eu le loisir de me faire une idée sur tout le monde, pas évident quand tu te retrouves avec vingt-trois autres inconnus. J’y vais petit à petit, progressivement, chaque mot échangé avec l’un de mes colocataires me permet d’en apprendre plus, de me sentir plus à l’aise ici, de gagner en confiance. J’ai l’habitude de me confronter à un gros groupe d’inconnus, c’est ce qui m’arrive chaque année à la rentrée des classes, une foule de nouveaux élèves qu’il faut apprivoiser assez rapidement pour ne pas louper le coche. Croyez-moi quand je vous assure que vous n’avez pas envie de faire face à une classe qui a pris la confiance. Difficile de tous les recadrer lorsque vous leur avez beaucoup trop laissé de mou. Peut-être que mon problème du jour vient de là, peut-être que j’ai été trop sympathique avec cette maudite machine à laver. Hors de question que les machines prennent le dessus sur les humains, nous ne sommes pas dans iRobot ! Par chance, un superhéros fait son apparition, Dihya, elle me propose son aide et j’accepte immédiatement. J’ai désespérément besoin d’aide, ça se voit non ? Je recule, bat en retraite pour pouvoir lui laisser la place nécessaire pour manœuvrer. « Wow, t’es magicienne, c’est ça ton métier, n’est-ce pas ? » Elle a bidouillé la machine deux minutes à peine avant qu’elle ne se mette en marche, ce qui me fait passer pour une bille. Incapable, je suis incapable de faire fonctionner une machine à laver, shame on me. « Merci beaucoup, tu me sauve la vie. » Si Riley était là, il me taquinerait à nouveau là-dessus, toujours dans l’excès la Tara. J’attaque mon interrogatoire du jour, surprise que Dihya utilise un cahier pour s’exprimer, serait-elle muette ? J’ai tout faux, elle est atteinte de surdité. « Si tu m’apprends les bases en langage des signes, je pourrais peut-être te simplifier la tâche. Lire sur les lèvres ce doit être épuisant ! » Le langage des signes c’est toujours très utile, ça pourrait réellement me faire plaisir d’apprendre à son contact, de m’immiscer dans son monde plutôt que d’exiger qu’elle fasse l’effort de me rejoindre dans le mien. « Moi c’est Tara, enchantée ! »

Dihya s’affaire quelques instants devant a machine à laver. Elle analyse rapidement, elle réagit. Bientôt le lavage de la machine est lancé. Elle se redresse pour le montrer à sa camarade et lui expliquer les différentes étapes pour qu’elle ne se retrouve pas dans la même situation, la prochaine fois qu’elle désirera laver son linge sale. Dihya est peut-être trop bienveillante, trop gentille de prêter un coup de main à sa camarade – certains le penseront sûrement, estimant qu’ils sont dans une compétition et qu’ils doivent s’écraser les uns et les autres ; mais ce n’est pas l’esprit de la jeune femme. Certains, à sa place, auront peut-être fait en sorte de machiner pour que le linge de cette candidate ressorte plus petite que lorsqu’elle les a mis dedans. Un sourire amusé se peint sur les lèvres de Dihya, en lisant les quelques mots qui se peignent sur son joli faciès. Selon sa camarade, elle serait magicienne. Elle laisse échapper un éclat de rire qu’elle n’entend pas. Puis elle hausse les épaules, l’air de dire « peut-être oui… », prenant un petit air empreint de mystère. Elle lui adresse ensuite un large sourire, quand sa camarade la remercie de son aide. La belle métisse vient lui demander son prénom. Elle doit reconnaitre qu’elle n’a pas eu le temps de mémoriser le prénom de chacun de ses vingt-trois camarades. Elle a retenu ceux avec qui elle a commencé à apprendre à connaître, ceux qui ont fait une sorte de premier pas vers elle – vers elle, vers sa différence, sans la rejeter et lui renvoyer l’image qu’elle n’est pas comme eux –. Elle écrit son prénom, pour se présenter : Dihya. Elle a peut-être déjà entendu parler d’elle, sans pour autant mettre un visage à ce nom, car elle ne serait pas étonnée d’apprendre que certains ont parlé à son sujet. Ils ont parlé parce qu’elle n’était pas comme eux, parce qu’elle ne s’exprimait pas comme eux, parce qu’elle communiquait différemment, parce que quand elle veut parler, elle n’a pas besoin des sons, des syllabes et des mots et que tout son corps s’éveille, tout son corps transpire le langage. Elle sourit et lui adresse un signe avec ses deux mains. Enchantée. L’attention de Dihya se porte sur les lèvres de la dénommée Tara. Elle croit lire qu’elle l’inviterait à ce qu’elle lui apprenne la langue des signes, elle pourrait lui simplifier la tâche. Elle n’a pas tort. Elle lui fait remarquer, à juste titre, que lire sur les lèvres doit être épuisant. Elle dodeline la tête, avant de se munir de son carnet : « en début de journée, ça va… mais après 10h passés à rester focus sur les bouches pour lire, ce n’est plus évident… », qu’elle confie. Elle pousse un léger soupir, puis elle hausse les épaules. C’est ainsi depuis vingt-deux ans, même si se retrouver en permanence entouré de quidams la change de son quotidien. « Tu voudrais vraiment ? ». Est-ce qu’elle voudrait vraiment apprendre ? Dihya finit par poser son carnet, pour lancer à son tour sa machine. Après quoi, elle s’installe sur la machine en question, la pointe de ses pieds venant embrasser le sol. « Première leçon, attention ! », écrit-elle, en affichant fièrement la page de son carnet à sa camarade, en lui adressant un large sourire. Elle signe un premier mot, puis scande d’une voix qu’elle ne peut entendre « bonjour » -- elle espère ne pas avoir maladroitement prononcé une syllabe ou un son, son orthophoniste n’est pas là pour la corriger ou la reprendre –, puis un second signe, « comment ça va ? », - elle tente de se souvenir de la façon dont doit se placer sa langue, de l’aperture de sa bouche, pour prononcer les syllabes, cela lui demande bien plus d’effort que de lire sur les lèvres ; les sons qui émanent de sa bouche ne doivent ressembler à rien du tout –. Un autre signe « oui ! », puis un dernier « non, je ne vais pas bien » qu’elle accompagne avec une moue sur son faciès. Elle se tourne vers sa camarade pour l’encourager à son signer à son tour.

Je suis plutôt dégourdie en temps normal, capable de faire fonctionner un appareil électroménager sans avoir à traverser un parcours du combattant. Aujourd’hui j’ai l’impression d’être incapable. Est-ce ce que je suis ? Il faut quand même être particulièrement stupide pour ne pas parvenir à mettre en marche une machine à laver. A moins qu’il ne s’agisse du tout dernier modèle avec commande vocale, un truc encore plus avancé inventé par quelques savants fous et asiatiques de préférence. Je ne sais pas, je ne sais plus, après une bonne dizaine de minutes à réfléchir, à tout mettre en œuvre pour parvenir à mon objectif je suis sur le point d’abandonner, de baisser les bras lorsqu’un ange vient me secourir. Toujours dans l’excès la Tara, toujours est-il que Dihya a fait une très bonne action en bondissant à mon secours, elle n’éprouve d’ailleurs pas la moindre difficulté. Ce doit être le pire dans l’histoire, parce que j’ai vraiment galéré ces dix dernières minutes alors qu’elle se contente juste d’appuyer sur un ou deux boutons, de modifier certains réglages… Des trucs que j’ai pourtant essayé de faire aussi, la machine à laver l’écoute immédiatement et se met en route sans trop faire de vagues pendant que moi, je reste interdite, comme une idiote. Ce doit forcément être une magicienne, un truc du genre. Je suis peut-être incapable de faire fonctionner un appareil électroménager mais j’ai au moins le don de faire rire les autres, ça ne manque pas. J’esquisse un sourire, attendrie par sa réaction. « Madame ne partage pas ses secrets, définitivement une magicienne ! » Il est peu probable qu’elle le soit en réalité, mais l’idée me fait marrer. Je change radicalement de sujet, interpellée par le mutisme de la jeune femme, logique puisqu’elle est sourde. J’imagine la difficulté à laquelle elle se confronte quotidiennement, lire sur les lèvres ce doit être tellement fatigant. Dihya me le confirme, j’acquiesce et surenchéri. « Je ne peux qu’imaginer, surtout quand on se met à moins articuler nous aussi, fatigue oblige. » L’être humain est flemmard de nature, moins il en fait, mieux il se porte. Pourquoi se donner la peine de parler distinctement quand la plupart parviennent à te comprendre quand tu baragouines ? Pourquoi ne pas simplifier la tâche à ma collègue en apprenant quelques gestes, c’est le moins que l’on puisse faire, non ? Tout le monde ne fera peut-être pas l’effort, moi si. Je hoche la tête, un grand sourire aux lèvres. « Bien-sûr, avec grand plaisir même ! » J’adore apprendre au contact des autres. Je passe de l’autre côté de la ligne, moi, le professeur de français. Je deviens l’élève et j’adore cela. Je l’observe attentivement, tente même de reproduire les premiers signes en même temps qu’elle. Dommage que je ne puisse pas prendre de notes, j’aurais pu réviser en attendant de la recroiser. « Celui-ci est hyper simple, j’adore ! » Ne pas aller bien, ce serait dorénavant mon signe distinctif, le plus facile des signes à reproduire je crois. « A moi ? Euh… Alors… » Commençons par le commencement, bonjour. Je porte ma main contre mes lèvres et exerce une légère rotation vers le bas, un grand sourire aux lèvres. « Comme ça ? » Je suis concentrée, debout face à elle. « Je repasse à la lecture de lèvres une seconde, pour te poser une question. Tu fais quoi dans la vie ? » Je suppose que sa différence doit lui avoir fermé quelques portes, les gens (les décideurs encore plus) ont tendance à réagir bêtement quand ils sont confrontés à quelque chose qui pourrait les mettre en difficulté.

Quant à la lecture labiale, elle ne peut cacher qu’à la fin de la journée, la fatigue commence à se faire ressentir. Rester attentive, guetter chaque trait qui trahisse une émotion ou une pensée, veiller à analyser et identifier chaque syllabe articulée – ou pas suffisamment articulée -. Elle hoche grandement la tête quand sa camarade évoque le fait qu’ils se mettent à moins articuler par moment. Un léger soupir s’échappe de sa bouche ; elle ne peut leur en vouloir de ne pas faire attention à la façon dont ils peuvent prononcer et surtout articuler. Dihya ne peut cacher sa surprise en découvrant que Tara souhaite apprendre la langue des signes ou du moins quelques signes rudimentaires afin de discuter avec elle. Elle souhaite apprendre, « avec grand plaisir » qu’elle lui dit même. Dihya l’avertit que leur première leçon va débuter. Des signes basiques que sa camarade pourra utiliser à n’importe quel moment de la journée, quand elles viendraient à se croiser dans la villa ou à l’extérieur. Bonjour, comment vas-tu ? Oui, je vais bien… non, je ne vais pas très bien, et toi ? Des signes qu’elle pourra donc réemployer quand elle le souhaitera. Après avoir exécuté les quelques signes, elle fait signe en direction de Tara pour lui faire comprendre que c’est à son tour de signer les mots qu’elle vient de lui apprendre. La belle métisse hoche hâtivement la tête quand elle lui demande confirmation, si c’est à elle, si c’est son tour. Dihya lui adresse un pouce en l’air, quand sa camarade lui demande « comme ça ? ». Puis sa camarade l’avertit qu’elle repasse à la lecture des lèvres. Elle arque un sourcil, quelque peu curieuse de savoir ce que sa camarade veut lui dire ou lui demander. Tara lui demande finalement ce qu’elle fait dans la vie. Elle tend le bras pour saisir, une nouvelle fois, son carnet pour lui répondre. « Fitness influencer », écrit-elle, puis elle lui présente la page de son carnet griffonnée. Puis elle pointe le doigt en sa direction, pour lui retourner la question.

Je tente pendant un temps de me mettre à la place de ma camarade. Comment serait la vie si je n’entendais pas ? Le schéma serait probablement le même, j’aurais néanmoins surement renoncé à devenir professeur. Difficile d’enseigner quand tu n’entends pas tes élèves. Il m’aurait probablement été possible de rejoindre un établissement spécialisé, pas sûr que ce soit le rêve d’une vie. Non, malgré tous mes efforts, j’ai bien du mal à me mettre à la place de Dihya. Il est impossible de la comprendre sans y être passé, rares sont ceux qui peuvent se targuer d’avoir été sourds pendant un temps et d’avoir récupéré ensuite. C’est le cas après certaines chirurgies, lorsque la surdité est liée à une inflammation et qu’elle est temporaire, certains sont également parvenus à retrouver un pourcentage plus ou moins élevé de leur audition après la pose d’implants en tout genre. Le progrès n’arrête pas d’améliorer les conditions de vie des personnes souffrant d’un handicap comme celui-ci, espérons qu’ils arrivent à définitivement l’éradiquer un jour. En attendant d’être capable de maitriser le langage des signes à la perfection, je me laisse aller à une leçon improvisée. Commençons par les bases, j’ai l’impression de ne pas trop mal m’en sortir, faut-il encore que je sois capable de tout retenir pour la surprendre la prochaine fois. Après un premier exercice réussi, j’opte pour une légère digression afin de grapiller quelques informations la concernant. « Ah oui ? Depuis longtemps ? » J’ai du mal à lui donner un âge, elle m’a l’air jeune en tout cas. « Tu dois t’y connaitre en programmes sportifs pour raffermir son corps non ? Quels seraient tes conseils ? » Même si je parviens à garder un corps ferme, je reste constamment sujette à l’élasticité. Logique, surtout quand tu lorgne du côté des femmes en surpoids. Le moindre objectif sportif se transforme bien plus vite en challenge. Elle me retourne la question. « Je suis professeur de français. » J’aurais bien tenté une explication en langage des signes mais mon niveau est bien trop faible pour cela. « Pourquoi avoir tenté America’s Next Top Model ? » Curiosité level maximum.