Il y a le suivant qui débarque, attrapant le regard de Cesare quelques secondes alors qu’il salue les équipes. Son regard glisse sur la silhouette du jeune homme pour constater l’étendu des peintures qu’il aborde. Des pieds à la tête. Littéralement. Il y a sans doute un léger problème intergénérationnel qui l’empêche de saisir pourquoi les jeunes de vingt ans jugent bon de donner l’impression qu’ils viennent tout juste de sortir de Guantanamo, alors qu’en réalité ils vivent encore chez leur mère pour se faire des économies. Il ne connait pas Vitaly, il ne sait pas encore s’il a affaire à un idiot trop gâté qui a dépensé son argent de poche dans des tatouages, un marginal d’avant-garde, ou un petit génie qui a parfaitement compris ce qu’il devait faire pour se faire repérer dans le monde du mannequinat. « Danny. Gabriel. » il expire en guise de présentation, désignant les deux hommes qui accompagneront le concurrent pour cette séance. « Vous pouvez aller vous mettre en place. » Cesare, il ne peut pas s’empêcher de se poser quelques questions : Premièrement, était-il complètement défoncé le jour où il s’est dit que ça serait marrant de se faire tatouer les gribouillis de sa petite sœur sur sa gueule ? Ensuite, dans combien d’années ne pourra-t-il plus du tout blairer les nuages à l’image de celui se situant sur sa joue ? Et pour finir, peut-on d’ores et déjà affirmer que sa vie est foutue ? Disons que ça, c’est peut-être un peu à lui d’offrir un premier élément de réponse en se faisant une idée de ce qu’il a dans les couilles quand il se retrouve sur un set. Sur les toutes premières photos, ce n’est pas tout à fait ça, mais très vite il prend ses marques, capte ce qui ne va pas et ce qu’il doit faire pour arranger les choses et parvient à sortir instantanément un cliché parfait. Le gamin a peut-être l’air de venir de se faire kidnapper par une armée de mômes de dix piges armés de marqueurs noirs indélébiles, il a le mérite de savoir parfaitement se démerder pour faire une belle photo. C’est bien. C’est très bien. Vitaly s’approche, tend une main que Cesare saisit, satisfait du travail qui vient d’être fait. Il le remercie, se penche pour lui chuchoter quelques mots avant de se marer. « Bon boulot. » il souffle dans un vague sourire. Le gamin est arrogant, mais après tout, depuis quand est-ce que ça a stoppé une carrière ? Pour preuve, l’ego démesuré de Cesare lui a toujours été bien plus bénéfique que l’inverse. Avoir une forte personnalité est primordiale pour parvenir à se faire un nom et il l’a parfaitement compris.