Cesare, il est entrain de se repasser les photos prises avec le dernier concurrent lorsqu’une voix mal-assurée se permet de venir le déranger. Il lève les yeux, l’air impassible pour les poser sur le garçon qui a jugé bon de venir investir son espace vital alors qu’il se trouve en pleine introspection perso sur le travail qui vient d'être fait. Peut-être qu’il se plante, mais il lui semble qu’il a face à lui le prochain candidat censé se présenter sous son objectif. Mais dois y avoir une erreur. Ouais, parce qu’en état, le Markus, il n’est pas du tout fringué de la même manière que ses petits camarades comme ça avait pourtant été décidé en amont avec les équipes de l’émission. Il l’écoute. Le visage placide, même lorsque le jeune homme l’informe que ça ne va pas être possible de faire le shooting avec la tenue qu’il a encore dans ses mains. Cesare se tait, laisse passer quelques secondes avant de parler d’une voix calme, mais ferme. « Tu es ici pour faire un travail, tout comme moi. » Et non pas pour venir me casser les burnes ou me faire perdre mon temps. « Quand tu auras la carrière de Kate Moss tu pourras te permettre d'établir des contrats en béton pour me dicter la manière dont je dois te photographier, mais pour le moment tu en es encore loin. » il le recadre en rivant son regard clair dans celui de Markus. Parce que Cesare, il ne va pas l’excuser, il ne va pas se montrer compréhensif alors qu’un gamin inexpérimenté et qui n’a pas l’air de savoir ce qu’il glande dans l’émission vient lui adresser la parole comme s’il était le bureau des plaintes local. C’est normal d’avoir des craintes pour cette première fois, mais s'il commence à ne pas vouloir s'exécuter pour si peu, il ne lui reste plus qu'à se barrer de l’émission. Ce n'est que le début, il leur reste encore bien plus de shooting à réaliser dans des situations ou des vêtements qui ne leurs plairont pas. « Si tu n’es pas à l’aise avec ton corps, tu ne réussiras pas à faire de bonnes photos. » En fait, Markus, ce qu’il doit faire, c’est sa mue. Et contrairement à ce que l’on peut penser, se mettre réellement à nu n’est pas aussi simple que de baisser sa braguette. Dans la mesure où il n'est déjà pas foutu de faire ça, c'est plutôt mal barré. Non, le problème ce n’est pas son enveloppe charnelle, c’est ce qui se passe dans sa tête. La clé dans le métier, c’est d’être bien dans sa peau et c’est aussi pour ça que l’industrie de la mode regorge de physiques atypiques et non seulement d’hommes et de femmes à la plastique de rêve. C’est con, parce que le gamin est intéressant avec son profil qui se veut différent des apollons aux abdominaux dessinés et aux corps bien huilés qu'on trouve régulièrement dans les agences. Cesare sent qu’il y a un truc, une forme d’émotion qui pourrait se dégager de la photo s’il est capable de s’en servir correctement, une sensibilité qui ne s’apprend pas, quelque chose de véritable et de réel comme il a essayé de leur rabâcher les oreilles au moment de présenter son travail. Cesare se tait et le regarde quelques instants. Il a envie de l’envoyer chier comme le môme chie sur sa vision du shooting. Le problème quand t’es confronté à un photographe de renom, c’est qu’il a des chances pour que son ego soit aussi gros que son objectif gros angle. Se montrer conciliant, ce n’est pas dans ses habitudes, mais là où le gamin est bon bien malgré lui, c’est qu’il est suivit comme son ombre par les caméras de l’émission. « Tu vois là-bas ? » il demande un peu brutalement en désignant son assistante qui stagne un peu plus loin, concentrée sur une quelconque tâche qu’il a dû lui refiler. « C’est elle que tu vas voir. C’est à elle que tu parles parce que mon boulot, ce n’est pas de gérer ton règlement interne en ce qui concerne le pourcentage de peau que tu veux bien dévoiler. » Elle non plus en soit, mais c’est moins grave d’importuner Linda que le photographe même. « Si vous trouvez une solution très bien, sinon tu peux te rendre utile en allant me chercher le prochain. » Et il aura moins fait ça de la journée.