Cet endroit était carrément dingue, rien à voir avec la cambrousse dans laquelle j'avais évolué durant ces dernières années. Si bien que je ne me sentais pas franchement à ma place dans tout ce luxe. J'étais plus ou moins certain que tous les candidats allaient rapidement s'y faire, et pour moi, l'accommodement serait bien plus complexe. Je me détestais de ne jamais être totalement satisfait de ce que l'on me donnait, je passais toujours pour le gosse pourri gâté alors que je savais très bien que je n'étais pas comme ça. J'étais juste... attaché à mes habitudes. Un peu trop pour me rendre compte de la chance que l'on me donnait. Je marchais depuis quelques temps dans les couloirs, me disant que j'avais peut-être fait une erreur en tentant cette aventure. Peut-être que ce que je connaissais, mes racines, c'était ce à quoi j'étais destiné. Chauffeur poids lourd, conduire pendant des heures, ça n'était pas quelque chose de particulièrement gratifiant, j'en avais conscience. Mais c'était ce dans quoi j'étais bon, là où on me connaissait. Ma mère, mon père, ils avaient ouvert une ferme, et être proche des animaux c'était quelque chose que j'adorais. Ici, toute nature semblait artificielle, et j'avais légèrement peur de perdre mes valeurs. Alors que je poussais une porte, un peu au hasard, je tombais sur Tara qui semblait avoir quelques questions existentielles quant aux cabines. Question qu'elle ne tarda pas à me déballer. « Alors attends... je récapitule. » marquant une pause, je levais un doigt au niveau de mon index, comme pour souligner le ridicule de la situation « En entrant dans cette sublime villa aux milles et unes couleurs, ta première analyse a été... le nombre de WC la potentielle intoxication alimentaire -volontaire ou non- qui risquait par la suite de se produire, comme si c'était un scénario assez courant dans un milieu comme celui ci ? » laissez moi avoir quelques doutes tout de même. M'appuyant sur le coin de la porte, j'ajoutais « A leur décharge, ils sont plutôt bien designés ces toilettes... et... ok, on s'arrête là, notre vraie première conversation ne va pas être celle-ci, hm ? » un léger rire s'échappa finalement de mes lèvres. Franchement, on était capable de mieux, non ?

Je visite, découvre chacune des pièces les unes après les autres avec un regard à la fois curieux et à la fois fasciné. Je ne suis pas impressionnée, il y a pourtant de quoi l’être, ce n’est tout simplement pas mon style, je suis pas facilement impressionnable. A chaque endroit son ambiance, chaque mètre carré a été étudié par la production, rien n’a été laissé au hasard et j’apprécie le soin apporté à tous ces lieux dans lesquels nous allons parader dès que nous aurons pu prendre nos marques. Seule petite déception ? Les cabinets. J’ignore s’il est vraiment possible de qualifier mon ressenti avec un terme aussi fort, pour être déçu il faudrait quand même sacrément être difficile. J’ai plutôt des appréhensions techniques, parce qu’on ne sait jamais, qui peut nous assurer que tout le monde ne va pas attraper une mauvaise grippe ou pire encore, une gastro foudroyante ? La villa pourrait très rapidement sombrer dans le chaos et les toilettes se transformer en véritable édition d’Hunger Games. Vous avez vu ce que les gens sont capables de faire lorsqu’ils ont faim ? Imaginez jusqu’où ils pourraient aller face à une envie terrassante et très pressante. A deux doigts de l’indignation, je partage mes impressions lorsqu’Izzy me retrouve au milieu des toilettes. Il n’a pas trop réagi jusqu’à maintenant mais il commence à récapituler tout ce que je viens de lui expliquer et je sens progressivement la perplexité s’installer dans l’intonation de sa voix. Pourrais-je même aller jusqu’à dire qu’il se moque un petit peu de moi ? Difficile de ne pas en rire de l’extérieur, je serais la première à la faire si j’écoutais deux candidats s’indigner d’une telle négligence de la part des équipes de production. « Tu n’as jamais vu ce qu’étaient capables de faire les autres pour se hisser en tête des classements ! » Nous sommes dans une compétition après tout, qui sait de quoi les autres sont capables. Les toilettes sont plutôt bien désignés, il a raison, on ne peut pas leur retirer cela et… Oui, il n’a pas tort, notre discussion est vraiment étrange. Mes yeux toisent les siens, ils sont d’une ravissante clarté. Mes lèvres s’étirent en un fin sourire taquin. « Tu préfères parler de ta dégaine ? Monsieur je sélectionne des sapes du quotidien pour me mettre sur mon 31. » Je me mordille la lèvre, moqueuse et le dépasse pour ressortir des toilettes. J’en profite pour me retourner afin de pouvoir à nouveau lui faire face avant de quitter la pièce. « Tu veux parler d’autre chose ? Vas-y, surprends-moi ! »

D'après la jeune femme, il fallait donc que je m'attende à tout dans cette compétition, peut-être même à ce que quelqu'un m'empoisonne volontairement afin de nuire à mes chances de remporter l'aventure. Bon, de toute évidence j'avais donc du soucis à me faire si elle était réellement dans le vrai. « Non mais les gens ne sont pas aussi malades que ça... pas vrai ? (...) T'es entrain de me dire que t'en serais cap' ? » si c'était réellement le cas, il allait falloir que j'apprenne à me méfier de la candidate. Peut-être cachait-elle bien son jeu après tout ? Toujours est-il que comme premier sujet de conversation, nous avions connu beaucoup mieux, certes. Je cris d'ailleurs pouvoir affirmer avec certitude que parler de WC lors d'une première rencontre n'était en rien un sujet qui amenait plus tard à une grande amitié, hormis si l'on se trouvait être des WC-lover ou des prestataires particuliers, travaillant dans l'industrie du cabinet, ce que je me vantais volontiers de ne pas être. Ou pas encore, on ne sait pas où l'avenir peut nous mener. Mais de toute évidence, je n'étais pas ici pour devenir le top 1 des vendeurs de cuvette. Cheers à eux. « Euh. Je sais que tu me trouverais extrêmement attirant et ce même si je portais un sac poubelle comme écharpe, ne le nie pas s'il te plait. » Je savais que mes goûts personnels n'étaient pas très élaborés, d'ailleurs, j'étais même certain de ne pas avoir assez de vêtements pour toute l'aventure. Parait-il que dans ce genre de compétition, on devait sélectionner de nouveaux vêtements à chaque panel arrivant. « J'en sais rien, tu pourrais commencer par t'introduire ? Genre hm... C'est quoi le nom de ton chien, le surnom qu'on te donnait quand t'étais gosse ou, dans un scénario plus concret, qu'est ce que tu ferais si jamais tu te retrouverais dans la peau d'un héros de Walking Dead, et que tu devais affronter une horde de "Errants" (parce qu'étrangement, le terme zombie chez eux, ils connaissent pas, ça leur faciliterait tellement la vie pourtant). » je sais pas moi, des questions bateau du genre, voilà.

L’être humain est plein de surprise. Pour le meilleur comme pour le pire, peut-être même surtout pour le pire. Pas besoin de chercher loin pour en avoir la preuve, allumez vos postes de télévision, achetez le journal. Les pages faits divers débordent d’exemples. Qu’un candidat puisse songer à tous nous empoisonner un jour de shooting ne me surprendrait même pas. Je ne parle pas d’un empoisonnement fatal, j’imagine mal la production mettre à notre disposition de la mort aux rats histoire qu’on se la joue remake du clip Telephone. J’ferais une Beyoncé convaincante cela dit ! Non, je partage ma théorie en espérant convaincre Izzy qui semble perplexe. Je peux comprendre pourquoi, il y a de quoi l’être. J’aurais tenté de le prévenir, si un jour on se bagarre tous pour avoir accès aux sanitaires il ne sera pas surpris. « Dois-je te rappeler que certaines personnes donnent naissance à des enfants pour les congeler ensuite ? » Est-ce suffisant pour le convaincre que rien n’est impossible, surtout lorsqu’il s’agit de dépasser les limites de la pire des manières. « Moi ? Non… J’suis trop gentille pour cela… J’serais capable de merder et de m’auto-empoisonner en plus. Non, je laisse ça aux autres. » Par contre, lui, je n’aurais pas à chercher très loin du côté de mon imaginatif pour le visualiser dans une telle situation. « Toi, en revanche, avec ton air de ne pas y toucher parce que mignon… J’suis persuadée que t’en serais capable. » Un petit ange avec une part machiavélique. Bon, probablement pas, espérons que non. Puisqu’il faut rebondir sur quelque chose de plus élégant, je ne peux m’empêcher de ramener sur le tapis la tenue qu’il a présentement sur lui. Pas très 31 si vous voulez mon avis. Ses arguments me font exploser de rire, du genre bien accentué histoire d’appuyer mon effet. « Rahlala, mon petit… Tu n’as pas compris du tout… C’est complètement nu que je te préfèrerai ! » C’est plus sexy qu’avec un sac poubelle si vous voulez mon avis. Mais moi je dis cela, je ne dis rien, comme toujours. Un flot de questions plus amusantes les unes que les autres m’est offert par un Izzy visiblement inspiré. Je ne tarde d’ailleurs pas à rebondir, plus déchainée que jamais. « Tu parles, dans The Walking Dead je serais morte depuis un moment. Tu sais, l’idiote qui essaie de sauver tout le monde et qui se retrouve à se servir de son propre corps héroïquement pour faire rempart aux walkers le temps que tout le monde puisse évacuer les lieux. Les rôdeurs auraient de quoi manger et laisser les autres en paix un moment ! » Toujours s’auto-clasher histoire d’éviter de tendre la perche aux autres. « Toi, par contre, j’te verrais aller loin, très loin. Parmi les derniers survivants, pacificateur, à réunir les différents groupes de survivants… Mais attention, pas comme le Gouverneur ou comme Negan, pas besoin que tu te masturbe en pensant à une batte barbelée ! » J’ai une question de la plus haute importance. « Plus important encore, as-tu répondu au quizz buzzfeed qui révèle quel personne d’Harry Potter a un Crush sur toi ? Parce que j’suis clairement choquée et déçue… Parait qu’Harry Potter m’a dans la peau… J’aurais préféré que ce soit quelqu’un d’autre. » Quoi ? J’avais besoin de me détendre tout à l’heure, en attendant le début du premier panel… Buzzfeed est passé par là et on sait tous comment l’histoire se termine quand on commence à enchainer les quizz Buzzfeed.