Bien qu’il n’y a pas eu énormément depuis que je suis arrivé, il y a des jours sans et il y a des jours avec. Et il semblerait que celui-ci soit un jour vraiment sans. La nuit n’a déjà pas été très bonne. Pourtant, j’aurais dû trouver le sommeil. Bazil n’est plus là. Pas qu’il m’empêchait de dormir, mais ne plus entendre ses ronflements et passer des nuits sans aucun bruit, ça faisait bien longtemps. Et bien, même comme ça, impossible de m’endormir. C’est donc avec un mal de tête que je finis par me lever de ma nuit blanche. Le soleil est déjà levé, certains candidats aussi. Je suis l’une des premières dans la salle de bain, sortant rarement ma tête sans maquillage, habituellement. L’envie n’y est pas aujourd’hui. C’est donc vêtu d’un pantalon de survêtement et d’une veste à capuche grise que je déambule dans la villa sans aucun but précis. Je me sens vide, fatiguée et surtout avec l’envie de pleurer sans trop savoir pourquoi. Les hommes diront certainement qu’il s’agit de ‘’la’’ période des femmes, celle où il vaut mieux éviter de parler avec elle. Il ne s’agit même pas de ça, j’ai l’impression que le manque de mon entourage commence à se faire sentir et je commence à montrer des signes de doute quant à ma participation. Bien sûr, je n’abandonnerais pas, mais je commence à me demander si j’ai vraiment ma place au sein du jeu et si je peux réellement remporter la compétition. En fin de journée, je croise mon reflet dans la salle de bain et voir deux énormes poches sous mes yeux me donne un coup de plus au moral. Je croise @Sander dans les escaliers, à qui j’accorde un petit signe de tête, sans trop m’attarder alors que j’adore passer du temps avec lui, le coller même. Je planque ma tignasse sous ma capuche, avant de m’isoler dans la pergola afin d’entendre la voix de ma mère. Je compose son numéro d’un geste automatique, ayant l’habitude de saisir ce numéro trente fois par jours en dehors de cette aventure. Je me jette dans le sofa, complètement avachie dessus. Lorsqu’elle décroche, je sens ma gorge qui se noue. Ne pas pleurer, ça l’inquiéterait de ne rien pouvoir faire à l’autre bout du monde. Ne pensant plus aux caméras, je me mets à parler français avec elle. « Comment tu vas ? (…) Oui, ça va (…) Non je t’assure que tout va bien, juste un petit coup de mou. » Ma mère est la championne pour déceler quand j’ai le cafard ou non. Elle continue de parler, me donnant des nouvelles de l’ensemble de ma famille, puis elle me titille sur mon comportement avec l’un des garçons de l’aventure. Sander. Je rougis. « N’importe quoi, maman. Il n’y a rien entre Sander et moi, on s’entend bien c’est tout. (…) Arrête un peu, pourquoi je le ramènerais à la maison pour dîner ? Tu crois vraiment qu’il va faire des heures d’avion pour te voir ? Je suis la fille de Beyonce ? » J’éclate de rire, mais ça me fait un bien fou. Elle est la plus douée pour me remonter le moral. Quand je lève la tête, j’aperçois Sander qui se tient face à moi. Je sens mes joues qui s’empourpre davantage. Je me rassure en me disant qu’il n’a peut-être rien entendu ou tout simplement qu’il ne comprend pas le français. « Je dois te laisser maman, je t’embrasse. » Je raccroche rapidement et lui offre un sourire gêné. « Tu es là depuis longtemps ? » Histoire de tâter le terrain afin de savoir ce qu’il aurait pu entendre ou cru comprendre.

Ma conversation avec ma mère se termine précipitamment. Faut dire que parler de Sander avec elle, alors qu’il est dans la pièce, c’est plutôt à éviter. Je le questionne sur ce qu’il a pu entendre, bien sûr de manière beaucoup plus subtil. Enfin peut être pas assez, car il me dit qu’il est là depuis assez longtemps pour savoir que ma mère est folle de lui. Je ris à ses propos telle une gosse. « Tu es officiellement invité pour dîner à la maison un soir si l’envie te dit de faire un petit détour par Genève. » J’enchaîne. « Je pense surtout qu’elle va en profiter pour te shooter sans ton autorisation, elle adore faire ça. » Je ne me souviens pas avoir précisé que ma mère est photographe professionnel. Alors, elle n’a peut-être pas autant de renom que les photographes qu’on croise pendant cette aventure, mais je la considère aussi douée voir plus que tous ses photographes. Sander me dit qu’il aurait été ravi de lui parler. « Crois-moi, tu en aurais eu pour la nuit entière, tu devrais même me remercier d’avoir coupé court. » Il se glisse à mes côtés et dans un geste familier, il passe son bras autour de mes épaules. Tel un petit chat, je frotte ma tête contre sa propre épaule. Il me demande si ça va mieux, si l’appel de ma mère m’a redonné un bon coup de boost. « Je ne dirais pas non au pot de glace. » Plus par gourmandise que pour réellement faire passer mon petit coup de blues. Il me demande alors s’il peut faire quelques choses pour moi. « Un massage des pieds ? M’emmener sur la lune ? Me faire manger la plus grosse barbapapa du monde ? Ecrire un poème d’amour à en faire pâlir de jalousie Victor Hugo ? » Je ris à mes propos que je trouve totalement stupide, avant d’éclater en sanglot sans trop savoir pourquoi. Je baisse mon visage, cachant mes larmes à l'aide de ma capuche. Je suis parfaitement ridicule et le fait de m’en rendre compte me casse encore plus le moral.

Ma mère est vraiment persuadée que Sander passera à Genève rien que pour la voir, je précise d’ailleurs au mannequin qu’il est cordialement invité à la table de ma mère. Il m’explique qu’il a déjà été à Genève, particulièrement sur les belles pistes qu’on peut proposer et je me souviens que Sander m’a déjà parlé de son passé de sportif olympique. Pour les sports de glisse, en effet, on propose de très bonnes choses en Suisse. Bien que ce n’est pas quelques choses que je pratique souvent. J’en viens à lui dire que ma mère passera certainement tout le temps du repas à le mitrailler avec son appareil. Il me demande alors si elle est photographe. « Oui, je pense que c’est un peu grâce à elle que je suis ici. Elle m’a fait grandir devant son objectif. » Réellement, je pense qu’elle doit avoir des milliers de photo de moi, je ne sais pas comment j’ai pu faire pour ne pas devenir narcissique avec tout ça. Sander se moque, en disant qu’il aurait pu apprendre plein de chose de compromettante. Je ris de nouveau à ses propos. « Crois-moi, ce n’est pas ma mère qui connait les vraies histoires compromettantes. » Faut dire que même si je considère ma mère comme ma meilleure amie, elle garde son rôle de mère et j’ai toujours essayé de ne pas commettre de bêtise devant elle. Et pendant mon adolescence, les personnes qui peuvent le plus raconter mes frasques c’est ma bande de pote avec qui j’ai grandis. Je trouve un peu de réconfort dans ses bras, mais c’est de courte durée. J’ai le mental au plus bas et je n’arrive pas à retenir mes émotions plus longtemps. Je sais bien que Sander ne doit pas être très friand de ce genre de situation, mais je ne contrôle plus rien. Il essaye de faire l’humour, je ris tout en pleurant, un paradoxe que je n’arrive même pas à m’expliquer. « J’étais tellement déterminée au tout début et là, j’ai l’impression d’être qu’une amatrice à côté de vous tous, j’ai l’impression que je ne vais jamais réussir tout ça » J’essaye de me reprendre, calmer mes sanglots. « Je suis une vraie pleurnicharde. » Je commence à frotter mes larmes à l’aide des manches de ma veste. « Et c’est tout sauf sexy. » Je ris de nouveau à travers mes pleurs, mes émotions jouant aux montagnes russes. Et je fais subir tout ça au pauvre Sander qui doit rêver d’être n’importe où sauf ici.

La coupe est pleine et je craque dans les bras de Sander. Et plus les larmes coulent et plus je m’en veux de faire subir ça à Sander. Je suis pitoyable et je suis sûr que les personnes derrière leurs téléviseurs doivent certainement se dire la même chose. Du style pourquoi elle chiale celle-là, elle est dans une magnifique villa et elle trouve encore le moyen de pleurer. Et la simple idée de penser à toutes ses mauvaises paroles qu’on doit penser de moi, je pleure encore plus. Heureusement, je ne suis pas seule et Sander ne fuit pas. Il essaye de me rassurer, me faire comprendre que si j’ai été choisis ce n’est pas pour rien et que je mérite autant ma place qu’un autre. Et même si je mets du temps à atteindre les premières places, je suis comme le diesel, je ne vais pas tarder à rebondir. Ses mots ont un effet anesthésiant, mes sanglots se calment. Seules quelques gouttes continuent à couler le long de mes joues, mais Sander d’un geste très tendre dépose sa main sur ma joue et frotte les larmes qui s’échappent encore de mes yeux. Je m’appuie un peu plus sur sa main, son geste me faisant un bien fou. Il croit en moi et mon cœur rate un battement. Mes yeux plongés dans les siens, j’arrive à y lire toute la sincérité qui en dégage. Il ne dit pas ça pour être gentil, il le pense vraiment. Il continue dans sa lancer en me disant que même en étant en pleurs, j’arrive à être encore jolie. Je souris timidement à ce propos. « C’est vrai ? Tu me trouves jolie ? » Telle une adolescente, j’ai besoin d’être rassurée sur mes capacités physique. En plein doute, j’ai besoin d’entendre des compliments de la part d’un homme. « Merci Sander, d’avoir dis toutes ses choses gentilles. » Je ne pleure plus et je continue de le fixer droit dans les yeux. Sa main encore sur ma joue, je ne sais pour quelle raison, la mienne glisse le long de son bras dans une douce caresse. Et sans aucun contrôle, mon visage s’avance vers le sien et je dépose mes lèvres sur les siennes dans un baiser chaste. Plus rien ne compte à cet instant, j’ai l’esprit vide, je ne réfléchis plus. Mais au bout de quelques secondes, mon cerveau se remets en mode ON et j’ai les yeux qui s’écarquillent. Je recule mes lèvres précipitamment, fixant Sander. « Je suis désolé, je pensais que tu … Que je … » Les mots ne sortent pas comme je voudrais, je me lève rapidement du sofa pour m’enfuir, sauf que doué comme je suis mes pieds se prennent dans le plaid et mon corps s’étale sur le sol. Encore plus pathétique, je ne pense pas que ce soit possible.

J’ai osé. J’ai embrassé Sander sans réfléchir. Je trouvais le moment idéal et puis toutes ses paroles si gentilles, je n’ai pas forcément l’habitude d’entendre qu’on croit en moi autant et qu’on me complimente sans arrière pensé malsaine. Il était si prêt et puis c’est arrivé. C’était doux, mais surtout très court ; car mon cerveau s’est remis en marche et je me suis rendu compte de ce que je faisais. Ma première réaction est d’essayer de baragouiner des excuses et de fuir, mais je suis arrêtée dans ma course par ma couverture qui me trahit en s’emmêlant dans mes jambes et je m’écrase sur le sol. Je n’ai pas mal physiquement, mais je me sens tellement ridicule que je me lève pas tout de suite. Je me dis que peut être Sander n’a rien remarqué, mais faudrait être sourd et aveugle pour avoir raté ma chute. Je l’entends derrière moi me demander si je n’ai rien de cassé. « Non, juste ma fierté qui a pris un sacré coup, pour le reste ça va. » J’essaye de sourire, mal à l’aise pour le rassurer. Non, je n’ai mal nulle part, tout va bien. Ou presque. Je l’entends se déplacer et me dit qu’il va certainement prendre la direction de la sortie et qu’on ne parlera plus jamais de ce petit baiser. Et puis ce n’était pas vraiment baiser, c’était plus un smack pas de quoi en faire tout une histoire. On en rigolera et je mettrais tout ça sur l’effet de ma fragilité momentanée. Mais non, il ne sort pas, il s’allonge face à moi. Abasourdie, je ne rigole même pas à sa petite boutade. A quoi est-ce qu’il joue ? Et avant même que j’ai le temps de lui poser la question, sa main s’abat avec douceur sur ma nuque pour rapprocher mon visage du sien et dans un murmure, il me dit que je pensais bien. Ses lèvres rentrent de nouveau en contact avec les miennes et dans un baiser plus prononcé auquel je réponds, je me laisse emporter par toutes ses nouvelles émotions qui se joue à l’intérieur de mon corps. Ma main glisse sur sa joue pour prolonger ce baiser. Fougueusement, je détache mes lèvres des siennes pour soulever mon corps que je laisse retomber sur le sien. Une fois au-dessus, mes yeux admirent les siens quelques secondes. Qu’est-ce qu’on est en train de faire ? C’est de la folie pure. Je me penche vers son oreille pour chuchoter des paroles qu’il est le seul à pouvoir entendre, afin d’échapper un peu aux caméras. « Ça veut dire qu’on va enfin pouvoir dormir dans le même lit ? » Je me redresse en riant, avant que mes lèvres s’écrasent de nouveau sur les siennes, lui offrant un baiser plus passionnés.