La pergola est un endroit très agréable lorsqu’on recherche du calme. Je ne suis pas du genre solitaire, au contraire, je suis sociable et j’adore parler avec les gens. Le souci, c’est que je suis assez réservée avec les inconnus et je n’ai pas forcément l’habitude de faire connaissance. Alors, je reste parfois dans mon coin en espérant qu’un candidat s’intéresse à moi. Ce n’est pas pour autant que je n’ai rien à faire ici, j’ai eu le temps avant d’arriver dans la villa de m’acheter beaucoup de magazine de mode, mais également people. Je grignote alors quelques chips, assise sur la banquette de manière décontracté, les pieds sur la table basse. Je feuillette mon magazine, à la recherche des derniers potins du moment. Bon, j’avoue que ce n’est pas une lecture très intelligente et que ça fait assez cliché, mais c’est un passe-temps comme un autre. Je me demande d’ailleurs si durant l’aventure on va croiser des célébrités. Bien sûr, on a eu la chance d’en voir déjà. Sandra en étant une d’après moi. Le simple fait d’avoir pu lui adresser la parole durant le casting était impressionnant. Je me suis d’ailleurs retenue de ne pas lui demander un autographe à la fin de l’entretien. Ça n’aurait pas été très pro de ma part. Et alors que je lis un article, une personne pénètre dans la pergola. « QUOI ? » Je me lève de ma banquette et je fixe alors la personne face à moi, qui n’est autre que Tara, la malchanceuse dont j’ai écrasé le pied le jour de la révélation des candidats pris. « Tu te rends compte ? Kylie Jenner était enceinte pendant tout ce temps et on l’a su qu’après son accouchement ! Je n’y crois pas ! » Je me rends surtout compte qu’elle doit me prendre pour une parfaite idiote. Je me calme instantanément et me mets à rire nerveusement. « Désolé pour ça. »

Participer à une telle aventure, ce n’est pas de tout repos. Bien au contraire, j’ai l’impression de nager dans un océan de détails inédits, de tout reprendre à zéro, un peu comme si je renaissais en participant à ce cycle. Je n’ai clairement pas besoin d’une renaissance pour me sentir bien dans ma peau, mon quotidien me convenait totalement, j’ai juste l’impression de devoir tout reprendre du début. Atterrir dans une propriété avec vingt-trois autres inconnus, des caméras partout, un cadre différent, une ville différente. Il y a de quoi être un petit peu perturbée. Une chance que je sois très sociable et solaire, j’ai déjà réussi à sympathiser avec quelques candidats et à abandonner une solitude qui aurait pu entrainer mon moral dans son sillage et ruiner mon aventure. La première semaine permet à chacun de se tester, tu as deux options, ça passe ou ça casse. Pour le moment, je m’en sors plutôt bien. Il ne me reste plus qu’à m’approprier les lieux, à apprivoiser le caractère de chacun et à m’habituer à ne plus avoir à me rendre au travail quotidiennement pour enseigner le français. J’aurais peut-être été plus efficace si ma meilleure amie n’avait pas choisi de tout me cacher de cette candidature. Tout s’est accéléré d’un seul coup, en quelques jours, sans que je puisse me préparer psychologiquement ou même ne serait-ce qu’envisager tout cela. Je retombe sur mes pattes tel un cheveu sous la soupe. Loin de moi l’idée de m’en plaindre, cette aventure m’apportera énormément sur le plan personnel, je le sais. Je viens de terminer de laver la vaisselle utilisée lors du repas de tout à l’heure, un travail titanesque quand tu cohabites avec une vingtaine de personnes mais rien de bien inquiétant pour moi. L’heure est à présent à la détente et à la bonne humeur, surtout quand je retrouve @Alia en pleine crise existentielle après avoir été bouleversée par une nouvelle pour le moins… Inattendue. Je l’observe, morte de rire. « Elle était enceinte ? Elle a accouché quand ? » Je m’installe face à elle, avachie dans un fauteuil ultra confortable sur lequel je m’imaginerai bien siester une dizaine de minutes. « Tu crois que la presse people finira par utiliser nos frasques pour attirer sa clientèle ? » On ne sait jamais, ils auront de quoi faire pendant plusieurs semaines. Je l’observe longuement, elle a l’air heureuse, souriante comme lors de notre première rencontre. « Tout se passe bien pour toi ici ? Tu as malmené quelques pieds ? » Je n’ai pas oublié sa tentative d’assassinat par écrasement de pied, je l’ai à l’œil dorénavant… Ou pas.

Je suis absorbée par ma lecture, certes, qui ne vole pas haut, mais la vie des célébrités me passionne. Et puis, on peut trouver des idées de looks vachement sympa quand on fait vraiment intention. Je me souviens que quand j’étais plus jeune, je m’amusais à découper certaines photos dans ce genre de magazine et que je collais tout ça sur une toile. Ma mère avait adoré mon travail et l’avait utilisé lors d’un photoshoot avec une mannequin allemande. J’étais la gosse la plus fière du monde à ce moment-là. Je me demande bien ce qu’à pu devenir cette toile. Certainement dans le grenier avec l’ensemble des décorations et accessoires qui lui ont servi lors de précédent shooting. Cependant, je suis tellement prise dans ce magazine que j’en oublie que je ne suis pas à la maison, mais bien dans une émission de télé-réalité avec d’autres personnes qui ne connaissent pas encore mes petits moments de perdition. Heureusement pour moi, Tara ne semble pas le prendre mal un seul instant, elle a visiblement l’air de s’y intéresser. « Au début du mois dernier. Mais comment elle a fait ? Enfin quand t’as le monde entier braqué sur toi, tu caches comment ta grossesse ? » Je ne pense pas que Tara aura la réponse, elle n’a rien avoir avec la famille Kardashian pour le savoir. Sauf si elle m’apprend qu’elle est une cousine lointaine, je n’aurais aucun mal à la croire. Elle me demande alors si je pense qu’un jour nous aussi on aura droit à des articles dans les tabloïds. Je baisse mon magazine et je la fixe, avec une moue pensive. « Je pense qu’ils n’auront pas grand-chose à dire sur moi dans ce type de magazine. » C’est vrai que je n’ai pas une vie très palpitante et qu’avant cette aventure, je menais une vie presque banale. Je ne pense pas me faire remarquer énormément non plus ici, pas du genre démonstrative ou avec une personnalité explosive. Je souris alors à Tara, me relevant de ma position totalement avachie pour me m’asseoir en tailleur sur la banquette. « Si un article devait être écrit à ton sujet, tu penses qu’il dirait quoi ? » Je suis assez curieuse de savoir, ça me permettrait d’en savoir plus sur sa personnalité. Elle me demande alors si pour moi tout se passe bien pour le moment, je ris à sa remarque sur les pieds écrasés. « Je n’ai pas à me plaindre, pour le moment tout le monde est très gentil avec moi. J’ai eu un peu de mal à aborder les gens au début, mais ça commence tout doucement à se faire. » Je continue de sourire, tout en lui retournant la question. « Et toi, tu commences à trouver tes marques ? »

C’est vrai qu’en participant à cette émission, je n’ai retenu que l’idée de réussir dans le milieu de la mode. J’en ai oublié tout le reste. Si les caméras et les millions de téléspectateurs ne m’embêtent pas plus que ça, car je n’ai pas l’occasion de forcément les voir, mais savoir que des paparazzis vont nous pourchasser ou même essayer de remonter dans notre passé, ça a tendance à m’effrayer. Je ne suis pas sûr de savoir affronter de tel chose, bien que je n’aie pas de chose à cacher. Est-ce que les autres ont pensés à tout ça avant de participer à cette aventure ? Je suis sûr que oui et que je suis certainement la seule à ne pas y avoir réfléchi. Tara s’exprime au sujet de la benjamine de la famille Kardashian. Elle non plus ne sait pas comment expliquer elle a pu cacher une telle grossesse. Je retourne cette histoire dans ma tête une bonne dizaine de fois, mais rien à faire, je n’arrive pas à comprendre comment elle a fait. « On est dans le même bateau pour le coup, j’ai le ventre qui enfle rien qu’en pensant à une bonne pizza. » Tara est sympathique, elle n’a pas l’air d’une bimbo sans cervelle ou venue ici pour se faire remarquer. Elle me confirme cette idée, en me disant qu’elle est prof de français et qu’elle n’a pas le profil pour figurer dans ce genre de magazine. « Tu es prof de français ? C’est ma langue natale. » Ce n’est vraiment pas une profession que je lui aurais attribuée. C’est drôle de découvrir les professions de chacun en dehors du mannequinat. Je me demande si elle a quand même de l’expérience dans la mode. Elle pense que je ne suis pas totalement honnête et que je cache certainement des choses ; elle arrive à me faire rougir. « Je t’assure que non … Je suis assez banale à vrai dire … » Et au moment où je lui dis ça, je repense à la chose la plus folle que j’ai pu faire et je suis saisie d’effroi. « Oh mon dieu, tu crois que mon ex petit ami va vendre mes nudes ? » Et je pousse un petit cri, en posant mes deux mains sur mes joues. « Maintenant que j’ai dit ça tout haut, je suis sûr qu’il va le faire. » Voilà ce que c’est de vouloir faire plaisir à un garçon qu’on pense être l’homme de notre vie, alors que la relation n’aura duré qu’un an. « Je me suis balancée, à ton tour de facilité le boulot des paparazzis. » Je jette dans un coin de la banquette mes magazines, dégoûtée pour quelques temps par tout ça. Elle m’explique qu’elle a encore quelques réserves sur l’aventure, mais qu’elle commence à s’habituer également. « C’est vrai que ce n’est pas facile d’être en colocation avec une vingtaine d’inconnus, mais se dire qu’on peut gagner un vrai contrat à la clé, ça remotive vachement. »

Tara a l’air aussi gourmande que moi. Non pas parce qu’elle est mannequin grande taille, ça ne veut absolument rien dire. Juste l’entendre me dire qu’à force de parler de pizza, elle a bien envie d’en prendre une ce soir, je lui fais un clin d’œil soutenu. « Tes désirs sont des ordres, j’en veux une au pepperoni. » Je me mets alors à chuchoter, comme si quelqu’un était susceptible de nous entendre. « Ne dis rien aux autres, on garde tout le butin pour nous. » Bah vous vous imaginez bien que même si on prend des pizzas larges, devoir partager avec une vingtaine d’individus, ce n’est pas l’idéal si on a pour but de s’exploser le bide. Elle m’explique qu’elle est professeur de français avant d’être apprenti mannequin et du coup, je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire que c’est ma langue d’origine. Elle me demande alors de quel pays je viens, m’en proposant plusieurs, mais pas le bon. « Non, je vis en Suisse. Du côté francophone, donc ! » Pas sûr qu’elle connaisse, faut dire que ce n’est forcément le pays auquel on pense lorsqu’on parle de vacances ou de destination de rêve. Bien que je considère mon pays comme un très beau pays malgré tout. Elle s’exprime alors en français en disant qu’on va pouvoir le parler à deux, elle aura du coup sa dose. Je ris à ses propos, lui répondant en retour dans un français parfait. « Avec grand plaisir, je vais me croire à la maison du coup dès qu’on discutera. » Ce qui est plutôt sympathique, c’est vrai que l’entendre parler français me fait tout drôle. Elle me retourne la question concernant ma profession. « Je suis coiffeuse. Donc si tu as besoin de quoi que ce soit, une coloration ou juste une petite coupe, tu viens me voir. Je me ferais un grand plaisir de te coiffer. » Faut dire que j’adore ça, c’est bien plus qu’un métier même si j’ai tout abandonné dont le salon où je bossais pour me lancer dans le mannequinat. Pour réaliser ses rêves, il faut être prêt à tout. Et voilà qu’au moment où j’essaye de réfléchir à ce qui pourrait sortir sur moi, je balance littéralement les dossiers qu’à mon ex-petit-ami sur moi. Tara est hilare, alors que je suis un peu paniquée par tout ça. Ce n’est peut-être pas si grave, je suis assez à l’aise avec mon corps pour qu’on puisse me voir entièrement nue, mais ça m’embête quand même beaucoup. Je prends une moue faussement choquée lorsqu’elle dit qu’elle va regarder ça avec attention. « Je ne te permets pas, voyons. » Je pars dans un fou rire, avant que Tara décide de se lancer dans ses propres dossiers. Et ce n’est pas beau non plus. J’éclate de nouveau de rire. « Oulala, la vilaine Tara. T’es une mauvaise fille sous tes airs d’institutrice sérieuse. » Je la charrie bien évidemment, ce n’est pas bien grave et je suis sûr qu’en y repensant, elle doit trouver ça drôle également. « Je pense que d’ici demain on pourra trouver ton mugshot sur tous les sites web people. »