Les nuits sont courtes dans cette maison. Faut dire que partager sa chambre avec quatre personnes, ça peut être amusant par moment, mais c’est aussi très contraignant. On a qu’un seul garçon dans notre chambre et pourtant, on entend que lui. Je n’ose cependant faire aucune remarque, c’est plutôt vexant de dire à quelqu’un qu’il ronfle et lui demander de faire moins de bruit. Me voilà donc dans la cuisine, très tôt le matin. Avec certainement des cernes plus grosses que des poches. Je fouille dans les placards, sans trop savoir après quoi je cherche. Bon, puisque je suis levée autant me préparer un vrai petit déjeuner de reine. Je sors de quoi faire des délicieux pancakes. Sauf que comme d’habitude, je ne sais vraiment pas mesurer et au bout d’une quarantaine de minutes je me retrouve avec plus de trente pancakes. Qu’est ce que je vais bien faire de tout ça ? Je suis plutôt gourmande, mais pas à ce point-là. Je tourne la tête et je remarque un candidat qui vient juste de rentrer dans la pièce. Voilà ma chance de me débarrasser de tout ça. « Keven ! » Je m’approche de lui et c’est avec une certaine douceur, mais également avec fermeté que j’attrape son bras pour l’obliger à s’asseoir sur l’un des tabourets, face à l’îlot central. « Je suis sûr que tu meurs de faim. » Je coupe quelques fruits en morceaux sans attendre sa réponse et j’en place quelques-uns autour d’une assiette de pancake. « Tu veux manger ça avec quoi ? En Suisse, c’est surtout avec du nutella, mais je suis sûr que vous mangez ça avec autre chose ici, aux Etats-Unis. » Je dépose l’assiette face à lui avec un immense sourire. « Il y en a beaucoup, alors n’hésite pas à en redemander. Tu me diras si c'est bon. » Bon, j’abuse un peu, mais je n’ai jamais vu aucun garçon se plaindre de se faire servir le petit déjeuner comme un roi. Je me souviens soudainement qu'on est dans une émission sur le mannequinat et qu'il est sûrement pas prêt à manger tout ça. « Rassure-moi, tu n'es pas anorexique ? » Impolitesse totale, je m'en rends compte seulement au moment où les mots sont sortis de ma bouche.

En ouvrant les yeux, la première chose à laquelle pense Keven, c'est ... bordel, c'est trop tôt. Il ne sait même pas à quelle heure il s'est couché, mais ce n'était pas il y a si longtemps que ça. La faute à l'excitation de la première nuit, à sa discussion avec Barbie (dans le même état que lui, au passage), enfin bref, tout ça expliquait facilement la fatigue du bonhomme. Aussi remarqua-t-il rapidement que personne d'autre ne semblait levé. Pas étonnant, pense-t-il en quittant son lit avec difficulté. Passage par les toilettes obligé quand même. Le tout caleçon, sans la moindre pression. Un moment plus tard il descend à la cuisine, pour la simple et bonne raison que ses narines ont été assaillies par une délicieuse odeur de ... pancakes ? Ou des crèpes, un gâteau, ou quelque chose dans le genre. Le genre de trucs auxquels Keven n'a aucune chance de résister. Il avait juste prit la peine d'enfiler un short de sport, histoire de ne pas se taper l'étiquette du type se prenant pour un nudiste. Puis il entend son nom. Intrigué il s'avance dans la cuisine. Il reconnait la prénommée Alia, une jolie jeune femme à la peau ambrée, très jolie. Et visiblement avec du caractère, l'attrapant fermement par le bras et l'obligeant à prendre place sur le tabouret de l’îlot central. Keven en reste muet, surprit. « Je suis sûr que tu meurs de faim. » Clairement, surtout que c'était son ventre gargouillant, la délicieuse odeur aidant, qui avait réclamé qu'on le nourrisse. « J'espère que ce sera tous les matins comme ça ? » Il risque de passer pour un gros macho, alors que ce n'est pas du tout le cas. Mais la surprise est au rendez-vous en tout cas ! Tout en découpant des fruits, Alia explique qu'en Suisse, donc Keven suppose qu'elle vient de là-bas, c'est traditionnellement avec de la Nutella que ça se mange. Keven hausse les épaules : il est très gourmand, donc dès que c'est sucré, ça lui plait. Il sourit en voyant l'énorme assiette de pancakes. Elle a prévu pour toute la maison ou quoi ? « Rassure-moi, tu n'es pas anorexique ? » Elle a l'air complètement gênée de sa question, et Keven peut la comprendre. Mais il éclate seulement de rire, vraiment amusé par la situation. « Moi c'est Keven. Alia, juste ? » Il observe les pancakes fumantes posées devant lui, et repère sur le comptoir du miel. Parfait. Se levant, il attrape le pot. « Nan t'inquiète pas, je me prive rarement. Surtout pour des pancakes qui sentent si bon ! » Se reposant, il entame la première. Wow. « C'est délicieux ! Merci beaucoup, c'est super sympa' de ta part. T'es du genre lève-tôt ? » Parce que l'horloge affiche à peine plus que huit heures, et là demoiselle a déjà préparé des pancakes pour un bataillon !

Je prends en otage Keven, sans lui demander son avis. Faut dire que je n’aime pas le gaspillage, mais j’ai un vrai souci à doser tout ce que je cuisine et que du coup, j’ai l’impression d’avoir fait des pancakes pour une famille entière. J’essaye de l’amadouer à l’odeur et lui donner le sentiment qu’il a faim. Il ne répond ni par la positive ou la négative, mais le fait qu’il demande si chaque matin se sera pareil, c’est qu’il a plutôt envie de les dévorer. Parfait. Je le gratifie d’un grand sourire. « Bien sûr, j’adore cuisiner, alors se sera avec plaisir. » Et puis j’aime bien rendre service, c’est dans ma nature. Bon pas sûr que je puisse me réveiller chaque matin aussi tôt pour faire le petit-déjeuner, mais s’il sait patienter à des heures un peu plus tardives, il n’y aura aucun problème. Sauf que je m’interroge maintenant sur son état de santé. Les mannequins sont connus pour ne pas être de très gros mangeur et avoir un régime assez strict. Trop strict. Je m’en inquiète auprès de Keven, mais je me rends compte bien trop tard que ma question est impolie. Je suis surprise de l’entendre rire pourtant. Il n’a pas l’air de le prendre mal. Soulagement. Il se lève pour prendre le pot de miel et m’explique qu’il n’est pas du genre à se priver. « Tu as bien raison, c’est tellement frustrant de se retenir de manger des choses qu’on aime. » Je ne fais pas parti de ses filles qui font un régime aussi stupide que dangereux. Non mais franchement, un régime qui t’obliges à manger exclusivement des produits de couleur violet, faut être cinglé pour se lancer là-dedans. Keven commence à manger et apparemment, j’ai toujours la main pour les faire. Son compliment me fait rougir et je me dandine, fière comme une puce, jusqu’à l’armoire où j’ai aperçu tantôt un pot de pâte à tartiner afin de l’accompagner pour le petit-déjeuner. « Non, pas trop, mais j’ai le sommeil léger, alors avec les ronflements de Bazil, j’ai un peu de mal à me reposer plus longtemps. » Badigeonnant mon pancake, je lève le regard vers Keven. « Et toi, tu es tombé du lit ce matin ? » Je suis prête à parier qu’on est les seules personnes réveillées actuellement.

Elle le rassure. Des panckes aussi délicieux tous les matins ? Je signe tout de suite, pense-t-il en mordant dans la pâte moelleuse, encore chaude. Il en ronronne de plaisir. En plus, Alia semble penser comme lui : ne pas se priver. Après, être mannequin, c'est forcément faire des efforts, des concessions, histoire de garder la ligne et tout. Donc oui, Keven serait prêt à renoncer à une bonne partie des cochonneries sucrées qu'il peut s'envoyer pendant la journée, mais franchement, il est plutôt content de son corps, de sa musculature. Tout en allant chercher sa pâte à tartiner, Alia explique que ce sont les ronflements d'un autre participant, Bazil, qui expliquent sa présence si matinale dans la cuisine, ce qui ne manque pas d'arracher un sourire amusé à Keven. Dans sa chambre, Anders s'est également montré ... bruyant, pendant son sommeil. Faudrait les enfermer ensemble dans une pièce, histoire qu'on les entende plus ! « Pas de chance. Bazil c'est celui qui est un peu plus vieux que les autres ? Avec les cheveux courts ? » Il a encore un peu de mal à mettre un prénom sur toutes les têtes de la villa, mais ça viendra bien assez vite. « Et toi, tu es tombé du lit ce matin ? » Terminant sa bouchée, et par la même occasion son premier pancake, le bonhomme se lève. « Non. A la base j'me suis juste levé pour aller aux toilettes. Sauf que ça sentait trop bon alors j'étais obligé de venir voir. » Il balance un petit clin d'oeil amusé à la demoiselle en s'approchant de la machine à café. Insérant une capsule, il reporte son attention sur Alia. « Un café ? » Pour lui, c'est primordial de s'envoyer un café dès le matin, surtout que maintenant qu'il était réveillé, Keven ne comptait pas retourner dormir. Déjà à torse-nu, peut-être qu'il irait tâter de la piscine, ou explorer la villa. Mais d'abord ... café.

Maintenant que je sais où vont finir mon trop plein de pancake, donc le ventre de Keven, je me sens un peu plus détendu et je l’accompagne même pour le déjeuner. C’est donc déjeunant ensemble, que j’explique à Keven que si je ne dors pas ce matin-là, c’est dû aux ronflements agaçants de Bazil. Keven essaye donc de savoir s’il s’agit bien de la personne avec les cheveux courts et le plus âgé de nous tous. Je lui confirme d’un signe de tête. « Oui, c’est bien ça. » Keven semble avoir du mal à mettre un nom sur tous les visages. Je lui retourne la question, il n’a pas l’air d’être un lève-tôt, mais peut être bien que je me trompe. Il me dit qu’il ne s’était levé que pour aller aux toilettes et que l’odeur l’a attiré jusqu’ici. J’ai le sourire jusqu’aux lèvres. « Je peux te cuisiner un bon petit plat tous les jours si tu le souhaites, j’adore ça. » Je m’arrête juste le temps de prendre une autre bouchée de pancake. « Et encore, ma mère est beaucoup plus douée que moi. Je tuerais pour avoir son talent. » Faut dire qu’elle est autant passionnée par ça que moi par le mannequinat. Ou presque. Sa première passion reste la photographie, mais je m’abstiens pour le moment de dire à l’ensemble des candidats que ma maman est une très photographe très connue en Europe, je pense que ça n’apporterait rien à la discussion et puis, je me ferais certainement quelques ennemis. Il me propose un café. « Je ne bois pas de café, mais si tu veux bien me faire un chocolat chaud s’il te plaît. » Je me sens un peu gênée de lui demander, mais c’est lui qui a fait la proposition. S’il refuse, ce n’est pas bien grave. Je le fixe alors pendant qu’il s’agite à nous servir. « Tu viens d’où exactement Keven ? » C’est vrai que son accent ne sonne pas très américain, mais je ne suis pas totalement une pro avec tous les accents possible et inimaginable. Peut-être qu’il vient du Texas, je ne serais même pas faire la différence.

Imaginez la tronche du londonien quand Alia lui propose de lui faire la cuisine tous les jours, prétextant qu'elle adore ça ! Un vrai gamin qui vient de recevoir son cadeau de Noël ! Parce que les fourneaux et lui, ils sont pas vraiment potes en fait, donc ça l'arrange. Sauf que Keven, il est un minimum correct. Oui ça lui arrive. Alors au fond, il est quand même un peu gêné par la proposition de la demoiselle. Soufflant légèrement sur sa tasse, le café noir laissant échapper une douce volute de fumée, il hoche la tête pour le chocolat chaud. C'est le minimum quand même. Tandis qu'il commence à chauffer du lait, Keven prend le temps de répondre. « J'viens de Londres. » Elle devinera avec facilité qu'il a des origines africaines, mais bon, c'est de là-bas qu'il vient, autour dire la vérité. Alia pourra toujours en apprendre plus sur lui plus tard. « Et toi tu viens de Suisse du coup ? J'sais pas pourquoi, j'ai cette image que tout le monde là-bas est riche, beau et tout. C'est vrai ? » Il se doute bien que ce n'est qu'un cliché, mais c'est au final l'impression qu'il a, donc autant poser franchement la question. Remuant le lait qui commence à frémir, il regarde Alia d'un air taquin. « Si tu cuisines autant bien que le reste que les pancakes, j'veux bien. Mais tu dois me demander quelque chose en échange, c'est pas équitable sinon. » Rajoutant des vrais morceaux de chocolat, heureusement les placards sont pleins, et continuant à mélanger, il boit une gorgée de café, amusé par la situation.