Dimanche matin, l’occasion rêvée pour entreprendre une grasse matinée après une semaine des plus épuisantes. Le challenge n’est pas encore très loin, il a laissé quelques séquelles à tout le monde et rappelé que la compétition se poursuivait après le départ précipité de sept de nos camarades. Difficile de se dire que nous ne sommes déjà plus que dix-sept en compétition, les prochains panels seront nettement plus stressants et les éliminations risquent bien de faire mal. Je ne me sens pas spécialement en sécurité vis-à-vis de cela, ma dixième position n’a rien de bien rassurante. Elle pourrait l’être si des candidats à fort potentiel n’étaient pas juste derrière après avoir échoué au shooting. Regardez Devan, il remontera à coup sûr cette semaine s’il met plus d’entrain à son shooting. Markus risque de grapiller bon nombre de places au classement également s’il se décide à arrêter de faire la fine bouche en écoutant ses insécurités plutôt que de plonger tête la première. Il y a du beau monde et je vais devoir défendre ma place coûte que coûte sans faiblir. La grasse matinée devra attendre, je suis déjà réveillée et bien décidée à m’activer. Commençons par le commencement, un très léger petit déjeuner, le dimanche j’ai tendance à très peu manger pour contrebalancer avec les excès de la semaine, une journée de quasi-jeun ne fait jamais de mal. Après cela, passage obligé par la case salle de bain pour une douche censée me réveiller davantage. A peine entrée dans la salle de bain que j’évite de justesse un eye-liner. Je relève les yeux, traumatisée par un tel acte de violence et remarque Bianka, aussi surprise que moi. « Ah t’es comme ça toi, t’essaies d’éliminer toute concurrence en sacrifiant tes accessoires ? » Un sourire étire progressivement mes lèvres, je suis plutôt amusée par son acte de rébellion contre son eye-liner, Dieu sait qu’il est difficile de parvenir à un tracé parfait. « L’eye-liner… Pire encore que de sortir avec le grand sportif à la mode au lycée. » Oh ça oui, je ne connais pas plus instable, malgré tous les efforts fournis, il y a toujours quelque chose qui bave et qui détruit tout ce qui fut durement construit. « Tu veux un coup de main ? T’as l’air… Préoccupée. »

Rien de mauvais n’était censé m’arriver jusque-là, je me dirigeais tranquillement jusqu’à la salle de bain pour m’abandonner à un moment placé sous le signe de la propreté. Je comptais même prendre le temps de me bichonner histoire de m’auto-procurer cette dose de tendresse qui me manque cruellement après un panel qui n’a pas vraiment su me rassurer, bien au contraire. A la place ? J’ai droit à une scène à la matrix où je parviens à éviter de justesse l’eye-liner que Bianka a lancé dans ma direction. Une tentative de meurtre ? Pas le moins du monde, juste une vague d’agacement qui laisse assez facilement présager que les nerfs de la demoiselle sont à fleur de peau. A croire que l’ensemble de la villa est affecté par les résultats de dimanche, par le véritable commencement de la compétition. S’il s’agit véritablement de cela, Bianka n’a aucune raison d’être énervée, elle vient d’atteindre le pole position et semble en avoir encore largement sous la pédale. Elle est clairement l’une des candidates à craindre, certains iraient peut-être jusqu’à employer le terme « à abattre » mais je ne suis pas compétitrice à ce point-là. Loin d’entrer dans le drama inutile, je choisis d’opter pour un grand sourire et une petite remarque taquine afin de désamorcer une situation qui semble embarrasser la jeune femme. Je la sens d’ailleurs se détendre au fur et à mesure, une très bonne chose. « Ceci explique cela. Je suis assurée de poursuivre l’aventure cette semaine maintenant que j’ai survécu à ton eye-liner ? Ou est-ce que tous les coups sont permis ? » Savoir si je dois rester sur mes gardes, sait-on jamais. « T’es ambitieuse, tu devrais essayer de lancer ta trousse de maquillage en entier, difficile d’éviter trente objets à la fois ! » Quitte à éliminer du monde, l’air de rien, autant ne pas faire les choses à moitié. Je lui adresse un clin d’œil complice et ramasse le fameux eye-liner, arme du crime. J’en viens à comparer l’accessoire de maquillage aux garçons sportifs et populaires qui charment toutes les filles au lycée, ceux qui se baladent avec leur veste de sport et pensent qu’un sourire leur ouvrira toutes les portes sans exception. « Quoi ? Jamais ? Même pas une petite fois ? » J’ai l’air d’une cruche superficielle n’est-ce pas ? A la différence que je ne juge pas vraiment, se taper le sportif à la mode au lycée n’a rien d’un objectif ambitieux digne d’intérêt. Je suis grillée par ma camarade qui me demande quel était le nom du sportif auquel je pense en formulant une telle allusion. Mes joues s’empourprent tandis que je réalise que le gars en question risque de se reconnaitre à la télévision. « Tyler. Un connard digne des meilleurs soaps du monde ! » J’ai été tellement naïve... Ou jeune. Probablement un peu des deux. Puisque nous sommes là toutes les deux, je propose mes services à une Bianka qui ne tarde pas à accepter mon offre, tant mieux, j’ai envie d’accomplir une bonne action. « Tu veux reproduire à l’identique ce que tu as fait sur ton premier œil, je suppose ? » J’analyse le résultat minutieusement, pire qu’un étudiant en train de parcourir ses notes à la veille d’un examen de la plus haute importance. « Ce devrait être dans mes cordes ! » Il est toujours plus aisé de maquiller les autres que soi-même de toute manière. L’une de ses remarques me fait réagir mais j’attends d’avoir attaqué ma mission du jour pour revenir sur le sujet. « Quelque chose te tracasse ? »