Il est tard, la plupart des candidats sont déjà endormis. Comme à mon habitude, j’ai des nuits où j’arrive à dormir comme un véritable bébé et d’autres nuits où je ne peux pas fermer l’œil. Il semblerait que ce soit le deuxième cas pour le coup. Quand je suis à la maison, j’aime assez me poser devant la télévision jusqu’à ce que le sommeil m’emporte. Ici, je préfère trouver autre chose. Je fouine dans le congélateur et je tombe sur THE truc parfait. Un pot de glace vanille noix de pécan. Parfait. Je me demande quelques secondes si ce pot appartient à quelqu’un et si je ne ferais pas mieux de le reposer, mais ma gourmandise prend le dessus. Je m’excuserais en temps voulu. Je cherche dans tous les tiroirs après une petite cuillère et une fois mon trésor trouvait, je décide d’aller profiter de cette petite fringale nocturne à l’extérieur, sur la terrasse. C’est si calme, si reposant. Je prends une première cuillère de la glace et je ne peux m’empêcher de fermer les yeux dû à la douceur. Je suis au paradis. Je ferais cependant pas mieux de m’empiffrer dans cette émission, ça ferait peut-être tâche de prendre des kilos ici et certains professionnels ou membres du panel ne se priveront pas pour me faire une remarque cinglante. Et alors que je réfléchis bien à l’idée de finir le pot, j’entends des pas venir en ma direction. Un homme imposant, plutôt grand et très beau s’arrête face à moi. « Devon … Non Devan pardon, c’est bien ça ? » J’ai tendance à me rappeler facilement des prénoms, mais pour le coup vingt prénoms à retenir, ma mémoire flanche un peu. Je regarde un instant mon pot. « J’espère que ce n’était pas le tien. » Oui, parce que là pour le coup je serais prise en flagrant délit et je vais très vite me sentir mal.

@alia

Les premières journées sont épuisantes et pourtant ce soir, tu ne trouves pas le sommeil. T’es surement trop excité pour dormir. Tu penses à tout un tas de choses. Du coup, histoire de te changer les idées tu te décides de sortir histoire de ne pas réveiller tes colocataires puis tu vas prendre l’air sur la terrasse. T’es assez surpris d’y croiser une de tes camarades. Tu la prends main dans le sac en train de s’empiffrer de glaces. C’est sûr qu’au moins la production doit pas trop vous épier à cette heure-ci. Toi, tu t’en fiches en tout cas. Chacun fait ce qu’il souhaite après tout. D’ailleurs, après t’être présenté, tu te laisses tomber sur une chaise longue aux côtés de la demoiselle. « Devan oui. » Tu lui adresses un fin sourire avant d’essayer de te rappeler de son prénom qui ne te revient malheureusement pas. Tu réponds négativement de la tête quand elle te demande si le pot de glace t'appartient. « Et toi ? Excuses-moi j’ai une mauvaise mémoire des prénoms. » Tu préfères directement le préciser histoire que ton interlocutrice ne le prenne pas mal. « J’appelais Sandra : Sara, au début. » Ton rire se fait pour la première fois entendre tandis que tes mains jouent avec l’un de tes bracelets et ton regard vacille entre l’horizon et la demoiselle. « D’ailleurs, je me demande si elle ne l’a pas mal prit. Je crois qu’elle m’a saqué. J’ai eu 5 à ma note Instagram alors que j’ai quand même joué le jeu des photos. » Franchement, ta note t’as déçu. Tu n’as pas compris. « T’as eu combien, toi ? » Histoire de comparer un peu pour voir si ils ont noté durement et que tu te fais des films ou non. « Et puis, j’ai peut-être une mauvaise mémoire des prénoms mais elle, elle a de sérieuses lacunes en géographie. Placer le Cap Vert en France, c’est chaud ! » Tu continues de penser à voix haute et de te livrer à cette inconnue sur ce que tu penses réellement. « Excuses-moi, j’ai tendance à trop parler quand je trouve pas le sommeil. » Bon, ok, tu parles beaucoup de manière générale mais tu tiens à souligner le fait que c’est pire le soir ou plutôt la nuit quand tu ne trouves pas le sommeil. Ton cerveau cogite beaucoup trop.

Je ne me trompe pas sur son identité. Il me confirme bien que son nom est Devan. La bouche pleine de glace, je suis soulagée d’apprendre qu’il ne s’agissait pas de son pot à lui. Il me demande mon prénom, ne l’ayant plus en mémoire. Je ne le prends pas mal, retenir vingt prénoms dans un laps de temps aussi court, je peux comprendre que ce soit compliqué. Il essaye quand même de s’expliquer en me racontant qu’il a appelé Sandra, Sara. J’ouvre la bouche, complètement sous le choc. « Mais non tu n’as pas osé ? » Il a de la chance d’avoir été retenu après avoir fait cette erreur. Quand même, ne pas connaître Sandra Stevens quand on est dans le domaine de la mode, c’est assez surprenant. C’est un peu notre Michael Jackson à nous, sans le visage déformé et qui fond au soleil. Paix à son âme. « Je suis Alia sinon. » Il continue à m’expliquer que suite à sa bourde, il est sûr que Sandra s’est vengée sur la note ; je joins alors mon rire au sien. Serait-elle aussi cruelle ? J’en doute fortement. Il me demande combien j’ai eu pour ma part et mon rire se fait un plus nerveux. « Trois. Faut dire que je n’ai pas été une très bonne élève, je n’ai posté qu’une seule photo. J’étais bien trop stressé par l’entretien, j’en ai complètement oublié le challenge. » Suis-je une idiote ? Totalement. Heureusement, j’ai fini avec la meilleure note pour l’entretien. On peut dire que ça a sauvé les meubles. Il continue de parler -c’est vrai qu’il parle beaucoup- je prends une énième cuillère de ma glace le fixant comme une gosse a qui on raconte un conte de fée. Et quand j’entends parler du pays d’origine de ma maman, mes yeux s’ouvrent grand, émerveillé. « Tu es cap-verdien aussi ? Oh mon dieu, j’ai trouvé un partenaire de funana. » Je suis excitée tout d’un coup. Je lui tends mon pot de glace. « Tu veux bien être mon partenaire de crime ce soir ? Mange là avec moi ! » Comme ça, si je dois me faire engueuler, il m’accompagnera. Pas sûr que je sois capable de me faire punir seule.

@Alia

Te voilà maintenant adossé sur une chaise longue à la belle étoile aux côtés d’une candidate n’arrivant pas non plus à trouver le sommeil. Autant discuter un peu et apprendre à vous connaître tranquillement peu importe l’heure tardive. Tu te mets directement à parler de tes difficultés à retenir les prénoms des gens. Ça n’a jamais été ton fort si bien qu’une fois t’as réussi à déformer celui d’un des membres du panel carrément. Ton interlocutrice en semble éberluée. « Pas devant elle heureusement. » Sans quoi, tu ne saurais probablement plus là. T’as bien compris déjà que le fait de questionner la juré sur son parcours professionnel a été mal vu. Elle t’a plus ou moins dit qu’il fallait te renseigner un minimum dans le milieu professionnel. Heureusement, tu t’es assez vite rattrapé. Mais étais-ce suffisant ? Tu commences à douter car tu t’es quand même retrouvé avec une note de cinq et des brouettes par rapport à tes photos Instagram. T’avais pourtant eu l’impression de bien respecter le défi. Tu cries donc au complot ou du moins à une éventuelle vengeance de la part de la fameuse jurée. Mais avant de trancher définitivement, tu te dis qu’il serait bien de sonder un peu tes camarades pour connaître leurs notes respectives. Alia a eu trois mais n’a posté qu’une seule photo sur trois. « Donc si t’en avais posté trois, t’aurais eu neuf ? » Logique, non ? En tous les cas, la jeune femme sait ce qu’il lui reste à faire la prochaine fois qu’un challenge aura lieu tandis que toi, t’en es toujours au même point de ne pas savoir pourquoi t’as eu tout juste la moyenne. Bref, tu continues à pester un peu contre la même personne qui pour le coup a des lacunes en géographie. T’en fais part à celle qui te sert pour le coup de confidente jusqu’à ce qu’elle interagisse de manière hyper animée. « T’es sérieuse ?! T’es de là-bas ?! Tu viens d’où exactement ? » Tu te redresses aussitôt de ta chaise en la regardant fixement avec des yeux d’enfants, ravi d’apprendre que tu partages quelque chose avec elle qui te tient à cœur : ton pays natal. « J’ai cru que tu voulais une démo en live de funana. » Tu te mets alors à rire repensant à la dance traditionnelle du Cap-Vert que tu ne connais que trop bien et que t’appliques souvent, peu importe les circonstances. « Vas-y raboule. » T’attrapes le pot de glace qu’elle te tends afin de piocher dedans. « C’est drôlement bon cette connerie. » Que tu déclares après avoir gouté.

Quand même ne pas savoir comment s’appelle Sandra, c’est assez gros. Déjà, elle est très connue dans le monde de la mode, mais en plus quand tu participes à une émission avec des castings et tout le tralala, tu essayes quand même un tant soit peu de connaître le nom des personnes qui peuvent changer le cours de ta vie. Il me rassure en me certifiant qu’il n’a pas fait cette erreur devant elle. Heureusement pour lui, je pense qu’à l’heure actuelle, il ne se tiendrait pas devant moi si c’était le cas. On en vient à parler des notes du challenge instagram et du malheureux trois que j’ai obtenu. Et alors que j’ai encore du mal à m’en remettre, il me dit que si j’avais eu le temps de poster les deux autres photos j’aurais certainement eu neuf. Mon visage s’illumine, soudainement. « Tu penses ? Mais ça veut dire que j’aurais pu être la première et que c’est mon visage qui serait affiché toutes cette semaine. » Ouais, c’est à peu près ça. Sauf que tu n’as pas posté les photos et que tu n’as pas fini première. Redescend mon enfant. Et là, alors que le jeune homme continue de dénigrer Sandra, surtout sur ses lacunes en matière de géographie, une information fait tilt dans mes oreilles. Le Cap-vert ? Le pays d’origine de ma maman, mes valeurs, mon tout quoi ! Il semble aussi excité de moi d’apprendre qu’on a les mêmes origines. « Je ne vis pas là-bas, je vis à Genève. Mais ma maman est cap-verdienne, j’y vais régulièrement pour voir ma famille à Santa Maria. » Bon, il ne m’a pas demandé de raconter ma vie, mais c’est l’excitation qui cause mon bavardage incessant. « Tu vis là-bas toi ? » J’en viens à dire qu’il sera mon partenaire pour le funana, une danse traditionnelle du pays qui fait penser à s’y méprendre au zouk africain et voilà qu’il me propose une démo. Je souris de plus belle. « Ne me tente pas, je suis prête à mettre la musique à fond et réveiller tout le monde pour voir ça. » Bon bien sûr je plaisante, je ne suis pas prête à me mettre à la maison à dos pour ça, mais je vais l’obliger d’une façon ou d’une autre à me faire une démonstration avant la fin de l’aventure. Il accepte de manger un peu de la glace que j’ai trouvé et le voilà officiellement mon partenaire de crime. Ça n’a pas l’air de peser sur sa conscience en tout cas. Je continue de le dévisager et de me dire qu’il a vraiment un beau visage, qui m’a l’air très photogénique. « Tu as déjà posé ou fait des défilés ? » Bah autant savoir tout de suite si j’ai affaire à des pros ou des demi-débutants, comme moi.

@Alia
La défaite un peu amère, tu remets les notes que t’as eu pour Instagram sur le tapis. T’es pas trop satisfait de ton 5. Quand à Alia, elle a eu 3. Ce n’est guère mieux. Mais au moins, sa note se justifie par le fait qu’elle a posté qu’une seule photo sur les trois demandées. Du coup, tu spécules en disant que si elle avait bien respecté les règles, elle aurait sans doute eu 9. De quoi remporter ce challenge. « Oui, surement. » Alia a surement raté le coche en omettant de publier les deux autres photos. Elle aurait peut-être pu être première et voir son nom et sa tête affichés partout toute la semaine. Dommage pour elle. Elle s’est en quelques sortes faite voler la vedette. Ou pas d’ailleurs. Vous êtes surement loin du compte et du système de notation. Vous redescendez peu à peu sur terre pour vous retrouver finalement au Cap-Vert. Ton pays natale tout comme visiblement celui de la jeune femme ou du moins ses origines. T’es vraiment hyper ravi de partager ça avec quelqu’un ici. Jamais tu n’aurais pensé trouver une autre Cap-verdienne dans le jeu. Le monde est petit. « Santa Maria, je connais un peu. C’est fouuu ! Et tu parles portugais ? » Tu serais ravi de pouvoir pratiquer un peu ta langue natale et lâcher l’anglais le temps d’une conversation. T’as beau être bilingue et parler parfaitement la langue de Shakespeare, tu ne dirais clairement pas non pour continuer la conversation dans ta langue maternelle. « J’y vivais oui. J’ai débarqué aux States il y a trois ans environ. » Histoire de vivre ton American Dream pour la faire courte et pour la version enjolivée. Tu comptes bien entendu lui épargner les détails sauf si elle tenait vraiment à s’aventurer sur ce terrain dangereux. Tu préfères largement parler du Funana, une danse traditionnelle et incontournable au Cap-Vert. « Même pas cap ! » Tu rigoles bien évidemment même si l’idée de danser là maintenant ne te déplairait pas. T’es tellement nostalgique et content à la fois de pouvoir partager ces choses-là avec quelqu’un que t’en oublies presque d’être raisonnable. « Quoi qu’on va peut-être éviter de se faire black-lister par les autres dès le début. » Tu rigoles alors en te rallongeant complètement sur ta chaise longue. « Mais un de ces quatre, je compte sur toi pour préparer la piste de danse. » Peut-être à un autre moment que deux heures et demie du matin. Ça serait quand même plus judicieux. Tu adresses un clin d’œil, complice, à la jeune femme qui te propose ensuite de partager un peu sa glace avec toi. T’hésites un instant avant de dire oui. Tu sais pertinemment que ça n’est pas raisonnable et que tu risques d’avoir un peu mal aux dents mais tu abdiques pour cette fois. Le meilleur moyen de résister à la tentation c’est d’y céder, après tout. La glace te régale et tu ne manques pas de le faire savoir. Tu ne prêtes d’ailleurs pas vraiment attention à la candidate qui te dévisage ou plutôt te scanne. « Non. Jamais. Enfin si, j’ai fait des séances photos avec des photographes professionnels mais ça s’arrête là. » T’as clairement pas une grande expérience dans le milieu du mannequinat mais disons que t’as les bases et que t’as peut-être de quoi t’en sortir. Qu’en est-il de la candidate ? « Et toi ? Je t’imagine bien sur les affiches de bus en Suisse. » Tu lui adresses un nouveau sourire mi-moqueur, mi-complice, en te demandant si elle a déjà un nom dans le milieu de la mode dans son pays.